La 6e semaine de confinement touche à sa fin. Si le 11 mai reste bien la date de réouverture de la plupart des commerces, nous voilà donc au trois quarts de cette période. Pas aux trois quarts de la crise, non, mais au trois quarts de « l'acte 1 » comme le qualifie François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, dans un tribune parue dans les colonnes de nos confères du Figaro ce vendredi.

Cet acte 1, celui de « l'urgence économique », sera suivi des actes 2 et 3, correspondant au redémarrage à partir du 11 mai et au « rebond avec la pleine reprise ». Ne pas avoir terminé ce premier acte nous montre donc tout le chemin qu'il reste à parcourir avant de voir le bout du tunnel. Le 11 mai ne correspondra pas à celui-ci.

Les branches marchandes les plus touchées

« La crise du coronavirus est sans précédent, dans son imprévisibilité et sa brutalité », explique François Villeroy de Galhau. Dans son point du conjoncture du 23 avril, l'Insee illustre parfaitement cette brutalité : l’activité économique française serait en baisse de -35% par rapport à une situation normale. On dépasserait même allègrement les -40% pour les branches marchandes.

Sans surprise, les activités les plus touchées sont celles dont les salariés ne peuvent plus exercer. C'est le cas de l’hébergement-restauration, dont 86% des salariés sont en chômage partiel complet, en arrêt maladie, congés ou exercice du droit de retrait et dont la perte d’activité économique est estimée à -91%. À l’inverse, pour les activités dont les salariés peuvent travailler, la perte est moindre. Cela vaut pour l’information-communication, dont seuls 27% des salariés n'exercent plus et pour qui la perte d'activité s'élève à -34%.

Le « triangle des réassurances » pour relancer l'économie

L'Insee indique également que le PIB annuel chuterait de 3 points par mois de confinement « S’il était suivi d’un retour immédiat à la normale ». Cela ne sera, de toute évidence, pas le cas, car la reprise sera lente et progressive. Mais « un retour à meilleure fortune économique est possible », martèle le gouverneur de la Banque de France, rappelant que le FMI table sur une croissance de +4,5% pour la France en 2021. Un « triangle des réassurances » sera en revanche indispensable pour y parvenir :

1) La confiance des ménages

En mars, les Français ont épargné près de 20% de leurs revenus : ils ont moins consommé. L'objectif sera, pour François Villeroy de Galhau, de « transformer rapidement cette réserve en consommation et donc en croissance ». Pour aider à cela, ce dernier estime que la hausse des impôts sur les ménages serait contre-productive.

2) La solvabilité des entreprises

Le gouverneur de la Banque de France n'use pas de langue de bois et reconnaît que la solvabilité de certaines entreprises sera mise à mal par des pertes non rattrapables de chiffres d'affaires, et que « la sortie du confinement va être potentiellement périlleuse » pour certaines. Il propose plusieurs solutions :

  • Une réorientation des prêts réalisés pendant le confinement vers des « quasi fonds-propres » pour soutenir les secteurs durablement fermés
  • L'abandon de charges initialement reportées
  • Des prêts participatifs pour aider les PME, comme en Allemagne
  • L'imputation immédiate des pertes de 2020 sur l’impôt sur les sociétés de 2019

3) La soutenabilité de la dette publique

Fin 2020, la dette publique aura atteint 115% du PIB. « L'après-confinement sera un défi pour les finances publiques, entre reprise rapide à préserver et soutenabilité durable à assurer », estime François Villeroy de Galhau, qui préconise de séparer de la dette héritée de la crise de la dette existante. Cela permettrait » de repousser à plus long terme l’amortissement de cette dette exceptionnelle ».

Concernant la dette qui se créerait après la reprise de l'activité, le gouverneur de la Banque de France salue l'idée française « d'un fonds européen mutualisant de nouveaux programmes d’investissements, par exemple pour le climat », ce qui serait « la meilleure traduction de la solidarité européenne ».

Enfin, pour se projeter sur le long terme, quand la croissance sera « solidement rétablie », François Villeroy de Galhau aspire à revenir à « une politique budgétaire plus sélective, et à des dépenses publiques plus efficaces ». L'éducation, la formation professionnelle et un travail plus qualifié sont, selon lui, les meilleures investissements à réaliser pour la croissance. « C’est par notre travail productif de richesses que nous couvrirons collectivement le coût de ce choc. »