Mercredi soir, Élisabeth Borne a utilisé le 49.3 pour clore les débats à l’Assemblée nationale sur le 4e volet du PLFSS 2023. Le gouvernement n’a pas retenu les amendements déposés par les députés sur l’article. Pour rappel, l’article 31 prévoit la possibilité pour les ministres chargés de l’économie, de la santé et de la sécurité sociale d’encadrer les marges des professionnels de santé distribuant des produits et prestations de la LPP. Même si cet article ne vise pas explicitement les opticiens, rien n’empêche, à terme, le gouvernement de le mettre en application pour notre secteur. Il entraînerait également : une séparation entre la valeur du produit et celle de la prestation et le plafonnement des remises des fournisseurs à 50% maximum.

Une épée de Damoclès possible sur la profession

Le projet de loi, qui doit désormais être examiné par le Sénat, peut devenir une épée de Damoclès pour la profession car elle prévoit d’entrer en application au plus tard en 2025 pour tous les produits de la LPP (aujourd’hui les produits du paniers B ne sont pas directement concernés par le dispositif de l’article 31, car ils n’ont pas de prix fixés par les pouvoirs publics, mais cette possibilité est présente dans le texte).

Selon la manière dont le ministère de la Santé appliquera cet article 31 pour les opticiens, cela pourrait avoir des conséquences sur l’activité des magasins. Plusieurs acteurs de la profession, comme une grande partie des professionnels de santé concernés, sont mobilisés pour faire évoluer cet article 31.

La prochaine étape de l’examen parlementaire du PLFSS aura lieu au Sénat à partir du 7 novembre prochain. A cette occasion, vous pouvez vous rapprocher de vos élus locaux afin d’alerter les sénateurs sur les conséquences de telles mesures, localement et nationalement pour la filière.

En raison de la probable utilisation par le gouvernement du 49.3 de nouveau lors de la lecture définitive du PLFSS à l’Assemblée nationale, vous pouvez informer également votre député.

Conséquences potentielles sur le marché de l’optique

  • Un effet nul pour les dépenses de la sécurité sociale : le panier B est aujourd’hui remboursé à hauteur de 3 centimes d’euro par verre et par monture, soit 9 centimes pris en charge par la Sécurité sociale par équipement, tandis que sur le panier A, la sécurité sociale ne rembourse qu’en moyenne 18%. En revanche, la délivrance de produits d’optique rapporte 1,4 milliard d’euros de TVA à l’État.
  • Mise en péril de la filière française : l’encadrement des prix remettrait en cause la compétitivité de la production française, qui a fait des efforts de relocalisation ces dernières années pour proposer des produits OFG et made in France. Rappelons que notre filière représente 55 000 emplois, dont 10 000 industriels*.
  • L’optique est un produit complexe : à la différence des médicaments génériques, les verres ophtalmiques sont fabriqués à l’unité et sur-mesure pour chaque porteur. Par conséquent les prix sont très variables selon les millions de combinaisons possibles en termes de corrections, de matériaux, de traitements, d’options et de prismes. Une standardisation remettrait en cause les politiques volontaristes dans les innovations technologiques. Par ailleurs, les prestations réalisées par les opticiens ne sont pas rémunérées en dehors du renouvellement de prescription (10 euros).
  • Risque de fermeture de milliers de magasins de proximité : La force de notre secteur est un maillage territorial fin. Mais si la marge brute d’un magasin d’optique peut sembler confortable à la première lecture d’un compte de résultat, la marge nette moyenne est de l’ordre de 6%, selon notre confrère BienVu** à partir de sources KPMG. Les magasins situés en milieu rural avec des chiffres d’affaires inférieurs à 300 000 euros TTC génèrent donc un résultat de seulement 15 000 euros. L’encadrement des marges pourrait être fatal à ce type de magasins qui, justement, répondent à l’urgence des déserts médicaux. Selon un expert de KPMG : " si les opticiens ont su s’adapter, il leur reste peu de marge de manœuvre pour les années à venir". La Cour des Comptes indiquait dans son rapport de 2022 au sujet des résultats nets : « Les résultats moyens, du fait de la très forte concurrence à l’œuvre dans ce secteur et de la réduction des prix moyens, seraient toutefois faibles, compris entre 0 % et 2 %, certains magasins devenant même déficitaires ».

*Source Gifo

**Hors-Série observatoire du marché BienVu 2021