Depuis septembre 2015, la délivrance des verres correcteurs est subordonnée à la présentation par le porteur d’une ordonnance en cours de validité*. Une mesure qui n’est pas sans poser problème quand on sait que la prise de rendez-vous chez l’ophtalmologiste reste difficile. Aussi, plus de 60% d'entre vous confient avoir « souvent des ordonnances de généralistes » en magasin, selon un sondage acuite.fr réunissant 1 676 participants. Attention toutefois aux questions de responsabilité !

Le médecin prescripteur engage sa responsabilité

Car selon l’article 34 du Code de la Santé publique, « le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution ». Ainsi, l’implication du prescripteur, qu’il soit ophtalmologiste ou généraliste, dans la rédaction de cette ordonnance engage sa responsabilité morale, professionnelle et juridique.

« La problématique du médecin généraliste est clairement explicitée par le Conseil national de l’Ordre des Médecins, précise à acuite.fr le Dr. Xavier Subirana, ophtalmologiste à Paris. Aussi, tout médecin peut prescrire une correction optique, c’est son droit le plus strict. Mais il engage alors sa responsabilité. Si un problème médical a été méconnu ou si même, simplement, le patient est mécontent de son équipement, c’est le médecin qui sera mis en cause.  Le coût de ses lunettes, ou plus gravement la plainte pour « perte de chance » (en cas de non dépistage d’une pathologie sous-jacente) seront imputés au médecin prescripteur, et non à l’opticien. Il risque également en sus, une condamnation ordinale ».

« C’est pourquoi l’obligation de l’ordonnance d’un ophtalmologiste est apparue comme essentielle pour permettre une délégation aux opticiens en toute sécurité pour le patient. La modulation de la durée durant laquelle l’opticien pourra renouveler l’équipement viendra compléter avantageusement le dispositif. Cette solution est faite pour sécuriser  l’opticien qui peut ainsi, en toute liberté d’esprit, satisfaire à la demande de son client durant  la durée de validité inscrite sur l’ordonnance, sauf complication intercurrente. Sa seule obligation consiste, pour être couvert, à respecter strictement les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) ».

Dans quels cas réorienter le porteur vers l’ophtalmologiste ?

Pour mémoire, la HAS a élaboré un référentiel sur les situations dans lesquelles l’opticien doit ré-orienter le patient vers l’ophtalmologiste sans délivrer de verres correcteurs. Il est ainsi recommandé de renvoyer la personne vers le spécialiste :

  •  en cas de modification de la réfraction ≥ 1 dioptrie sur 1 an (cylindre et/ou sphère) ;
  •  en cas de changement d’axe ≥ 20° chez une personne présentant un astigmatisme ≥ 0,75 dioptrie ;
  •  pour toute création ou modification de la correction prismatique.

S’il oriente la personne vers l’ophtalmologiste, l’opticien doit remettre à la personne le compte rendu du contrôle de la réfraction en vue de la consultation ophtalmologique. Il peut également adresser ce compte rendu à l’ophtalmologiste choisi par la personne. Le document doit préciser :

  •  le nom de l'opticien ;
  •  la date et la correction mentionnées sur l’ordonnance initiale ;
  •  la date de l'examen par l’opticien ;
  •  les résultats de la réfraction et de l’acuité visuelle obtenus ;
  •  toute autre information utile dans le respect du secret professionnel.

Une copie du compte rendu doit enfin être archivée par l’opticien. Dans le cas où l'opticien estime qu’un rendez-vous urgent serait indispensable, il est fortement conseillé qu’il sollicite personnellement l'ophtalmologiste choisi par le patient pour qu’il soit reçu dans le délai le mieux adapté compte tenu des renseignements transmis par l’opticien.

Ventes sans ordonnance : attention danger !

Rappelons également que, si certains patients ont des difficultés à se procurer une ordonnance, le fait de ne pas respecter l’obligation instaurée par la loi Hamon vous expose à des sanctions. Que vous travailliez en magasin ou sur rendez-vous à domicile ou auprès des personnes à mobilité réduite, vous pouvez être condamné à une amende de 3 750 euros.

Pour gérer les situations particulières  (bris de lunettes, touristes..) un décret, prévu par la loi Santé de 2015, devrait, en 2016,  venir compléter le dispositif en  précisant les conditions dans lesquelles l’opticien-lunetier pourrait procéder à la délivrance d’un équipement de remplacement et les modalités selon lesquelles il devra en informer le médecin prescripteur.

*Pour mémoire, les opticiens peuvent renouveler et adapter les équipements sur la base d’une ordonnance datant de moins de trois ans. La loi Santé de 2015 prévoit de moduler cette durée en fonction de l’âge et l’état de santé du patient. Un décret en précise les modalités.