Le Gouvernement vient d’annoncer une amélioration de « la prise en charge financière des audioprothèses ». La raison ? Des remboursements insuffisants par l’Assurance maladie et les complémentaires santé. 

A l’heure actuelle, « les restes à charge pour les personnes sont importants et peuvent constituer un frein à l’accès à ces aides », constate le Comité interministériel du handicap (CIH)*. Objectif de cette mesure : assurer une « solvabilisation » de l’offre « d’entrée de gamme ». Le tarif serait encadré par un prix limite de telle sorte que la personne n’ait plus de reste à charge après le remboursement par l’Assurance maladie et les Ocam. Un budget de 47 millions d’euros, soit 35% de revenu supplémentaire est dédié à cette mesure. Ce chantier, qui implique notamment une révision de la nomenclature, sera lancé dès le 1er semestre 2017. Selon la Cour des comptes, le remboursement de l'AMO représente environ 8% du prix d'une prothèse à quoi s'ajoute le remboursement des complémentaires santé de l’ordre de 31% en moyenne. Le reste à charge est donc de plus de 60%.

Cette décision fait écho aux propos tenus par Marisol Touraine en octobre dernier. La ministre de la santé se disait favorable à une meilleure prise en charge des aides auditives. En marge de cette annonce, une récente étude « Points de repère » de l’Assurance maladie analyse le marché de l’audioprothèse en 2015. 630 000 audioprothèses ont été délivrées à 361 900 patients pour un marché d’environ 1 milliard d’euros et une prise en charge collective de seulement 134 millions d’euros par l’AMO. Ces données publiques viennent confirmer et conforter celles publiées par l’Unsaf, (Syndicat national des audioprothésistes) il y a un an.

Taux d’équipements en hausse

En 10 ans, les dépenses consacrées aux appareils auditifs sont en hausses de 78%, soit 6,6% par an en moyenne, par la seule augmentation du taux d’équipement. A titre de comparaison, la croissance en optique est de 27,3% sur cette même période pour un chiffre d’affaires de 6,686 milliards d’euros**.

Côté budget, les patients déboursent en moyenne 1 500 euros pour un appareil auditif. Pour les jeunes de moins de 20 ans, le montant est sensiblement supérieur (1 760 euros par appareil) et diminue après 60 ans autour de 1 495 euros. On remarque que l’immense majorité (96,3%) des appareils auditifs délivrés en 2015 sont des audioprothèses de classe D (à savoir la classe d’appareil les plus performants).

Délais de renouvellement des audioprothèses

Il est en moyenne de 5 ans et 5 mois. Après l’acquisition initiale, 36% des patients changent leur équipement entre 4 et 6 ans, 39% entre 6 et 10 ans. Ces audioprothèses sont commercialisées dans 3 800 points de vente chez des fournisseurs d’audioprothèses, mais également 793 magasins d’optique et 82 pharmacies.

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Source: Cnamts 

La concentration du taux de recours chez les seniors

Autre enseignement de cette étude de l’Assurance maladie : le taux de recours aux audioprothèses croît très fortement avec l’âge, parallèlement à l’augmentation de la prévalence du déficit auditif. En effet, 75% de la dépense est constatée pour les plus de 65 ans, 22% pour les adultes de 20 à 65 ans et enfin 3% chez les enfants de moins de 20 ans.

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Source: Cnamts

En tête des départements les plus équipés, Paris avec un taux de recours de 2,44% et en queue de peloton les Ardennes (1,48%). Par ailleurs, une récente étude de l’Inserm, non encore publiée, établit que l’utilisation d’appareils auditifs chez les personnes âgés évite le sur-risque de dépression, démence et dépendance. La même étude rappelle qu’ « il existe peu de facteurs "modifiables", ayant un effet positif à la fois sur la cognition, la dépendance, la santé mentale ». Cela confirme les études médico-économiques récentes qui montraient l’intérêt de prendre en charge l’audioprothèse en termes d’économies grâce aux soins médicaux évités.

La publication de ces données montre que les pouvoirs publics prennent actuellement la mesure du potentiel d’efficience de l’audioprothèse en termes de dépenses de soins évitables et de prévention de la dépendance. De tels chiffres plaident indiscutablement pour l’intégration pleine et entière de l’audioprothèse dans le panier de soins pris en charge par la solidarité nationale et pour une amélioration du remboursement de l’audioprothèse par l’assurance maladie obligatoire.

*Réuni à Nancy le 2 décembre, le Comité interministériel du handicap (CIH) a décidé d’améliorer la prise en charge financière des aides auditives.

**L’observatoire de l’optique Bien Vu (2016).