L’Unsaf (Syndicat national des audioprothésistes de France) pointe du doigt l’appel à conventionnement du réseau Carte Blanche, ouvert depuis le 13 février jusqu’au 13 mars 2017. Le réseau répond !

L'organisation professionnelle déplore tout d’abord le délai très court de ce conventionnement et d’une façon plus générale « la tendance des plateformes à constituer des réseaux qui ne sont ouverts que très ponctuellement puis refermés pour des durées variables ». Cette durée d’1 mois lui semble « d’autant plus problématique que les discussions conduites en amont entre les professionnels de santé et la plateforme sont restées insuffisantes, si bien que le cahier des charges établi unilatéralement par Carte Blanche pose d’importants problèmes ».

« Spécialités » inexistantes et fichage des rendez-vous des bénéficiaires

L’Unsaf remet également en cause la définition de « spécialités », en appareillage auditif pédiatrique, réglage d’implants cochléaires, qui n’existe pas dans la formation d’audioprothésiste et que Carte Blanche érige en « expertises plus » sur la base de déclarations sur l’honneur des candidats. Le syndicat souligne que « les Implants cochléaires ne sont réglés qu’en milieu hospitalier (…) et que leur prise en charge est à 100% le fait de l’Assurance maladie, qui est aussi majoritaire dans le remboursement des appareillages pédiatriques. Par conséquent Carte blanche n’est pas légitime à y contractualiser ».

Autre point de discorde : le fichage de tous les rendez-vous des assurés que les professionnels doivent envoyés tous les mois par Internet. « Y aurait-il ensuite un rappel à l’ordre pour ceux d’entre eux qui ne retournent pas voir leur audioprothésiste ? Au-delà du problème de confidentialité pour les patients et de la finalité des données, doit-on aussi adresser à Carte Blanche la facture du temps passé à ces tâches administratives ? », s’interroge l’Unsaf.

Différences tarifaires et obligation onéreuses sans contrepartie

Par ailleurs, le syndicat fustige Carte blanche qui « module les tarifs en fonction du lieu d’exercice, de ses horaires d’ouvertures ou de la présentation d’accessoires… ». Et de poursuivre : « Ainsi le même professionnel, avec le même service et les mêmes méthodes de travail, pourrait facturer des prix différents selon son lieu d’exercice pour des appareils identiques ! »

L’Unsaf s’étonne également de l’obligation, pour l’audioprothésiste partenaire, de proposer systématiquement un appareil d’entrée de gamme quels que soient les besoins. « En application du code de la santé publique, c’est aux audioprothésistes seuls qu’appartient de conseiller le patient dans le choix d’un appareil, ce qu’ils font au vu justement des besoins de ce dernier. L’Autorité de la concurrence a elle-même souligné en 2016 qu’il n’est pas sûr que les appareils auditifs [d’entrée de gamme] (…) permettent de satisfaire tous les besoins des patients », commente-t-il.

Enfin, l’Unsaf déplore « l’ingérence » de Carte Blanche qui entraîne des obligations onéreuses sans contrepartie. Sont notamment cités : les obligations de passer à une norme avant 2018, de proposer une garantie panne de 4 ans, d’indiquer la disponibilité des pièces détachées (que les fournisseurs ne renseignent pas), de pratiquer le tiers payant pour 90% de l’activité, de fournir les bons de livraison, de promouvoir la plateforme via une vitrophanie et explications aux patients… « Retenons qu’en face de cette liste à la Prévert, il n’y a aucune revalorisation des remboursements de la part des complémentaires adhérentes à Carte blanche », ajoute le syndicat.

Et de poursuivre : « Bien que chaque audioprothésiste demeure souverain dans son choix, l’Unsaf considère que cet appel à conventionnement conduit à une mise sous tutelle des professionnels de santé, alors que le reste à charge ne sera en rien diminué pour les patients ».

« La construction du réseau se veut vertueuse »

Face à ces critiques, la réaction de Carte Blanche ne s'est pas fait attendre avec ce mercredi un communiqué : « La prise de position de l’Unsaf est une nouvelle attaque contre l’ensemble des réseaux, et plus encore contre les Ocam (…) La construction du réseau se veut vertueuse, prenant en compte à la fois les besoins des bénéficiaires et la nécessité de ne pas s’immiscer dans la profession de l’audioprothésiste. La priorité ayant été donnée à la recherche de la qualité, tant du point de vue de la promesse de service que de la valorisation de l’expertise ».

La plateforme explique que son « rôle est de mettre à disposition des 7 millions de bénéficiaires les coordonnées des audioprothésistes qui ont une pratique expérimentée auprès des enfants et/ou des implants cochléaires. Là où l’Unsaf voit la désignation illégale par Carte Blanche Partenaires de spécialités qui n’en sont pas, et une immixtion dans une filière, en y pointant le risque de désorientation, notre référencement permet au contraire d’apporter simplement et immédiatement une information qualifiée et peu accessible jusqu’alors ».

Quid de la modulation des tarifs en fonction du lieu d’exercice ? Carte Blanche nie totalement cette segmentation. « La seule valorisation tarifaire est fonction de l’investissement dans la qualité de service, un critère de valorisation recommandé et partagé par les représentants des professionnels lors de nos concertations », précise la plateforme.

Pour elle, l’audioprothésiste exerce pleinement de conseil et le patient garde quant à lui sa liberté d’acheter ce qu’il veut et/ou ce qu’il peut, en proposant systématiquement un appareillage d’entrée de gamme en alternative à une autre offre. « Il s’agit de donner des repères qualité/prix aux bénéficiaires dont le montant du reste à charge moyen reste conséquent (1000€ par oreille) », ajoute le réseau.

Enfin, Carte blanche affirme « que son conventionnement est fondé sur des obligations réciproques. Aux garanties de qualité pour les audioprothésistes répondent des engagements de gestion et de paiements de Carte Blanche Partenaires ». « Nous constatons avec surprise l’opposition de l’Unsaf à accepter les contrôles, notamment sur site, contrôles uniquement prévus pour les audioprothésistes bénéficiant de la majoration tarifaire. Aurions-nous à nous inquiéter de la réalité des pratiques ? », s’interroge-t-elle.

Et de conclure : « L’engagement partenarial et la concertation avec les professionnels de santé font partie de notre identité. Promouvoir la voie d’un meilleur accès aux audioprothèses par un meilleur remboursement (quel que soit le régime) ne laisse pas de place au corporatisme draconien et appelle une approche moderne, négociée et fondée sur des intentions réciproques, honnêtes et factuelles ».

Ce n'est pas la première fois que l'Unsaf s'oppose aux appel à propositions des réseaux de soins. En 2015, le syndicat avait également mené un combat avec Kalivia sur la charte qualité Audio