Depuis bientôt 3 semaines, le gouvernement a instauré le confinement en France. Cela est valable pour la métropole mais aussi pour les départements d'Outre-Mer. Si le virus Covid-19 y est arrivé plus tard qu'en métropole, de nombreux cas ont déjà été recensés et plusieurs victimes sont à déplorer.

Depuis le 25 mars, le service minimum des opticiens a été lancé sur l'intégralité du territoire français. Nous avons interrogé 4 opticiens et opticiennes exerçant à la Réunion, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe afin de rendre compte de la situation pour vos confrères et consoeurs d'Outre-Mer.

 

Frédéric Narassiguin, directeur général d'Optique de Bourbon à La Réunion

« Les magasins d'optique sont fermés depuis le 17 mars à midi. Il n'y en a pas un d'ouvert. On suit les recommandations de la métropole et aussi celles d'Afflelou, notre enseigne. Tous les opticiens sont sur la même longueur d'onde : ne pas ouvrir pour ne pas mettre en danger les collaborateurs et les clients. D'autant que l'on n'est pas prioritaires sur les masques et le matériel sanitaire.

J'ai tout de même mis en place un dispositif d'aide pour faire de la livraison à domicile. On a donc proposé un numéro spécial et un mail d'urgence. J'ai mis cela en place quand les syndicats ont appelé à se déclarer pour le service minimum. Les personnes qui le font sont équipées. Par exemple, une des opticiennes concernées est également aide soignante et elle connaît donc bien les gestes barrière.

Grâce à ce service, on a pu dépanner du personnel médical qui avait besoin de lentilles ou de réparations. On a reçu plusieurs messages de remerciement. On a aussi des demandes de lunettes de protection. Au total, ce sont 10 à 12 demandes par jours. C'est un vrai service. Mais ce n'est que pour les urgences et les dépannages.

Je suis inquiet pour la santé des personnes mais pas pour l'optique. L'organisation est bonne pour l'instant. Les salaires de mars ont été maintenus partout. Les solutions existent, elles peuvent aller vite. On souhaite surtout que tout le monde se porte bien. En attendant de reprendre, on s'organise. Ne pas ouvrir ne veut pas dire ne pas travailler. Par exemple, les collaborateurs voulant faire leur entretien annuel en ce moment le font par visioconférence. Ce n'est pas la panique. On s'adapte à la situation. La priorité est que la Réunion aille bien. »

 

Clément Borioli, optométriste en Guyane dans le magasin Guyane Optique à Cayenne

« La situation est la même qu'en métropole : tout est fermé. Les opticiens ont une dérogation de la préfecture pour pouvoir être ouverts mais tout le monde a préféré fermer pour éviter des déplacements inutiles. Il n'y a donc aucun opticien d'ouvert en Guyane. Il n'y a pas de service minimum assuré car il y a une volonté de limiter les risques. La vue, en soi, n'est pas si nécessaire que cela quand on n'a pas besoin de sortir de chez soi. Il y a des urgences médicales et les ophtalmologistes s'en chargent. Mais l'ouverture des opticiens n'est pas indispensable.

Beaucoup de gens qui sont chez eux m'appellent en me disant qu'ils ont mal aux yeux. Pendant cette période, il faut faire attention avec les écrans et la vision de près. Passez plutôt du temps à faire à manger, à de la peinture, des travaux, etc. Mais reposez votre vision de près.

Ce confinement, c'est vraiment l'occasion de réfléchir, de se poser les bonnes questions sur notre profession et remettre le professionnel de santé au centre. Personnellement, je profite de cette situation pour préparer l'ouverture d'un nouveau concept optique, dans une pharmacie ; des points de ventes adaptés à ces situations si cela venait à se répéter.

Avec les mesures annoncées par le gouvernement, il n'y a pas de risque de fermetures d'entreprises, il n'y a pas de risque pour la profession. C'est plutôt une pause. On attend que la vague passe et on reprendra de plus belle ensuite, on rattrapera le retard. Comme il y a un manque cruel d'opticiens en Guyane, où les clients font souvent la queue comme chez le médecin, la reprise s'annonce mouvementée. »

 

Une opticienne indépendante en Guadeloupe, qui a souhaité rester anonyme

« Je suis en train de fermer mon magasin. La réforme 100% Santé m'avait déjà fortement pénalisée sur le plan financier, et là, c'est le coup de massue pour moi. Mêmes les aides du gouvernement ne pourront pas m'aider. Je suis déçue car je me suis beaucoup donnée pendant 7 ans. Je faisais beaucoup de déplacements chez mes clients, etc. Mais il faut savoir dire stop. Pendant ce confinement, j'essaye d'avoir en ligne tous les organismes pour fermer correctement l'entreprise. En Guadeloupe, des avocats ont été mis en place et ils sont réactifs, ça rassure. Ils nous orientent bien. Je reste optimiste pour l'avenir. Je suis contente d'avoir fait cette expérience. Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre. Tant que je reste en bonne santé, il y aura des possibilités. Je sais que je rebondirai. J'espère que tout le monde va remonter la pente après cette crise. Moi j'ai confiance, je la remonterai. »
 

Un opticien indépendant en Martinique, qui a souhaité rester anonyme

« Je suis indépendant et tiens plusieurs magasins, en Martinique et en Guadeloupe. Ils sont tous fermés, car notre clientèle est de manière générale plutôt âgée et on veut la protéger. On a tout de même fait une permanence mardi dernier pour s'occuper des cas urgents. Sinon, tous le monde est en chômage partiel. On attend avec impatience la réouverture. Mais il ne faut pas que le déconfinement se fasse de façon précipitée ; il ne faut pas tout rouvrir trop tôt si c'est pour que la situation empire ensuite. Cette crise aura probablement de grosses conséquences, ce sont 2 mois de chiffre d'affaires qui risquent de s'envoler. Je ne suis pas sûr que les aides couvrent tout ça. On en a fait la demande, on verra bien. »