Missionné par le ministère de la Santé, le Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance maladie (HCAAM) vient de publier vendredi dernier ses conclusions sur une nouvelle articulation entre Assurance maladie obligatoire et Ocam.

5 scénarios sont envisagés sur la base du même constat. Le système actuel de co-financement Amo/Ocam des dépenses de santé est complexe, inégalitaire et ne « garantit pas l’accessibilité financière pour tous à des soins essentiels ».
Ces scénarios peuvent, selon le HCAAM : « alimenter le débat public et éclairer la diversité des choix ouverts aux pouvoirs publics ».
Ils devraient, en effet, servir de socle de réflexion pour les programmes des différents candidats à la présidentielle 2022.

Les scénarios 2, 3 et 4, conduiraient à un retrait de l’Amo du hors 100% Santé qui ne serait plus pris en charge que par les Ocam, qu’ils soient à l'avenir « supplémentaires » ou complémentaires.

Scénario 1 : On garde le co-financement mais on le corrige

  • Peu de changements avec le système actuel si ce n’est une simplification des règles de remboursement de l’Amo : 
  • une meilleure répartition des restes à charge après Sécurité sociale entre les assurés
  • surtout, l’amélioration de la situation des retraités avec obligation d’un contrat individuel aux conditions avantageuses, accès facilité aux Ocam pour les plus âgés et les plus modestes
  • réduction des dépenses de gouvernance pour les Ocam…

Scénario 2 : Instauration d’une assurance complémentaire obligatoire, universelle et mutualisée (Cette obligation serait étendue à tous les résidents en France)

Les grands bénéficiaires seraient les retraités qui verraient leur RAC et leurs cotisations diminuer avec une meilleure mutualisation du risque et une « tarification à l’âge » limitée.

  • Amo, AMC obligatoire (qui aurait le statut de SIEG* selon une mission qui leur serait confiée par l’Etat avec déconnection des cotisations et des risques) et AMC supplémentaire pour ceux qui souhaitent être assurés au-delà des garanties proposées par l’AMC obligatoire. Ce système s’apparente a ce qui se passe dans certains pays européens (Pays-Bas, par exemple) et au régime local d’Alsace-Moselle. Le panier de garanties et le niveau des primes seraient définis ou encadrés par les pouvoirs publics.
  • Deux tarifs existeraient pour l’AMC obligatoire : adultes 400 euros par an, pour les moins de 26 ans 130 euros par an. Pour un panier de soins obligatoire comprenant ticket modérateur, frais d’hospitalisation, examens de biologie, dispositifs médicaux, transports médicaux et équipements 100 % Santé.
  • Pour notre secteur : Les prises en charge complémentaires « minimales » des lunettes au-delà du « 100 % santé » pourraient être supprimées et intégrées dans le panier de soins obligatoires. Le hors 100% Santé serait laissé aux Ocam « supplémentaires ». (NDRL : dans la mesure où un Ocam obligatoire et mutualisé sera créé, les personnes souhaitant être assurées au-delà des garanties proposées dans le cadre de cet Ocam, ce qui sera le cas du hors 100 % Santé, pourraient le faire en souscrivant une couverture supplémentaire, comme une sur-complémentaire).

Scénario 3 : Augmentation des taux de remboursement de la Sécurité sociale

  • C’est le fameux scénario de la « Grande Sécu ». L’Amo serait l’assureur unique pour un champ plus large des dépenses. Suppression du ticket modérateur. Le coût s’élèverait à 22,5 Mds d’euros pour la Sécurité sociale et la réforme profiterait aux assurés appartenant aux 8 premiers déciles**.
  • Pour les Ocam, cela signifierait une réduction importante de leur périmètre d’action, avec suppression probable des aides fiscales dont elles bénéficient. Les Ocam assureraient l’intégralité de la prise en charge pour les soins hors 100% Santé.
  • Pour notre secteur : La Sécurité sociale rembourserait intégralement un panier de soins considéré comme nécessaire d’un point de vue sanitaire. Celui -ci devrait s’appuyer sur le panier 100% Santé réévalué et régulièrement révisé pour intégrer l’innovation des fabricants. Le rapport précise toutefois : « dans ce scénario, la régulation des prix devrait être renforcée, qu’il s’agisse des tarifs conventionnels, des tarifs de la LPP (Liste des produits et prestations) mais aussi des tarifs libres, dans un double objectif de maîtrise des dépenses de santé et d’accès financier aux soins ».

Scénario 4 : Décroisement des domaines d’intervention de la Sécurité sociale et des Ocam

  • L’AMO et les Ocam interviendraient sur des paniers de soins distincts et une partie des soins aujourd’hui pris en charge par la Sécurité sociale sortiraient du panier de soins « public » : médicaments remboursés actuellement à 15 ou 30 % par l’Amo, l’optique, les soins et prothèses dentaires, les audioprothèses.
  • Pour notre secteur : c’est le scénario du déremboursement de l’optique. Seules les consultations d’ophtalmologistes resteraient dans le cadre du remboursement Amo. Ce scénario envisage de maintenir les bénéficiaires de la C2S (ex-CMU) dans un système de remboursement par la Sécurité sociale et de l’étendre aux moins de 18 ans. Tout comme de préserver certains éléments de la réforme 100 % santé, sans préciser lesquels. Le rôle et le poids des Ocam et des réseaux de soins s’en trouveraient considérablement renforcés. D’où la préconisation dans ce scénario d’une régulation « pour s’assurer que l’exercice de la concurrence entre assureurs et la contractualisation avec les professionnels de santé sont compatibles avec l’existence d’une offre de soins permettant de répondre aux besoins de la population ».

Dans ce scénario 4, on aurait une suppression du ticket modérateur. Et surtout le HCAAM alerte sur les conséquences pour l'audio : il n'y aurait plus aucune logique de mutualisation (c'est déjà de moins en moins le cas avec le système actuel). Donc certains risques pourraient ainsi devenir difficiles à assurer sur le marché, comme les audioprothèses qui concernent essentiellement les personnes âgées.

Scénario 5 : Le bouclier sanitaire

Il figure seulement en annexe. Ce bouclier « sanitaire » plafonnerait les restes à charge des soins hospitaliers et de ville. Scénario intermédiaire et moins « disruptif » que celui de la « Grande Sécu », il réduirait les RAC à l'hôpital et en ville mais ne concernerait pas les dépassements d'honoraires, donc forcément pas les dépenses optiques hors 100% Santé. On garderait donc un 100% Santé et un marché libre.

 

* SIEG : Les services d’intérêt économique général (SIEG) sont des services de nature économique soumis à des obligations de service public dans le cadre d’une mission particulière d’intérêt général.

 

** déciles : Les revenus de la population française sont découpés en tranches égales de 10 % appelées « déciles ». C'est la valeur du niveau de salaire qui sépare chaque tranche de 10 % en 10 %. Un décile, c’est la valeur qui sépare 2 tranches.