Certains d’entre vous en ont vraiment « ras-le-bol » et ne se gênent pas pour le dire ou plutôt l’écrire directement à nos politiques les plus haut placés. Après Baptiste Jacquemart qui a tenu à s’adresser au Président de la République, deux de vos confrères nous ont transmis leurs courriers respectivement envoyés à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, et Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique.

Le tiers-payant engendre des difficultés de trésorerie intenables

Diplômé en 2002 et propriétaire d’Alésia Optique à Paris (75) depuis 2009, Loïc Guéguen aime sa profession qui lui « permet de travailler dans le domaine de la santé oculaire, dans celui de l’artisanat pour la confection des lunettes, dans celui de la mode et bien d’autres encore ». C’est en sa qualité de professionnel de santé qu’il a décidé de s’adresser à Marisol Touraine en lui faisant part de son inquiétude face à la « la difficulté grandissante que nous rencontrons pour exercer notre métier dans de bonnes conditions ». « En effet, vous souhaitez généraliser le tiers-payant avec les Ocam, ce que je ne conteste pas mais est-ce normal et juste qu’une paire de lunettes livrée au client ne nous soit payée que dans un délai de deux semaines, dans le meilleur des cas, à deux mois en moyenne ?, interroge-t-il. Ceci met en péril ma jeune société par absence de trésorerie. J’ai été contraint de demander une pointe de découvert à ma banque car j’attends environ 5 400€ de la part des Ocam ».

« Le candidat François Hollande a clamé haut et fort au Bourget que son ennemi était la finance mais l’argent immobilisé par les Ocam pendant ces longues périodes dort-il vraiment, continue Loïc Guéguen. Pourquoi les Ocam ne seraient-ils pas soumis au versement d’indemnités de retard de paiement après deux semaines sans règlement de ce qu’ils s’engagent à verser via un accord de prise en charge ? De plus, nous ne sommes pas rémunérés pour le temps que nous passons à traiter tous ces dossiers de tiers-payant ». Aussi, votre confrère parisien se demande si « ces mesures ne visent pas à faire disparaître les opticiens indépendants au profit des grandes surfaces de l’optique pour lesquelles le rendement est le maître mot ». Et de conclure : « je travaille entre 43 et 55 heures par semaine, j’ai deux enfants et, en 2013, je n’ai pu me verser que 429€ mensuels une fois toutes mes charges déduites. Trouvez-vous ça juste eu égard à mon investissement et à ma formation ? ».

La communication « populiste » et « mensongère » du Gouvernement

Interpellant de son côté le ministre de l’Economie, Rémi Lettieri, opticien Alain Afflelou à Balaruc-le-vieux (34), se dit « stupéfait » par la communication « populiste » et « mensongère » du Gouvernement en faveur de l’e-optique. « Devons-nous résumer la vision des français à une simple valeur marchande dépourvue de sens dans le service paramédical qui est rendu à notre population au quotidien ? », questionne-t-il en estimant que « les raccourcis pris dans votre documentaire sont inexacts ». En prenant l’exemple d’une offre à 169€ pour deux équipements progressifs, l’un blanc et l’autre solaire, votre confrère estime que « si l’on ramène le prix de ces lunettes au mois, un client présentant un défaut visuel devra débourser 4,69€ pour solutionner son problème de vision, sachant que le renouvellement d’un équipement optique s’effectue tous les 3 ans en moyenne. Pour ce prix, nous accueillons toujours avec le plus grand des sourires notre clientèle pour assurer le service après-vente nécessaire au confort physique et visuel durant la durée de vie de son équipement. Inutile de vous rappeler Monsieur le ministre, que le coût mensuel d’un forfait téléphonique s’élève en moyenne à 20€. Inutile de vous rappeler que le coût mensuel d’un forfait Internet et télévision s’élève en moyenne à 40€. Inutile de vous rappeler, que le coût mensuel d’une carte bancaire classique s’élève en moyenne à 5€ pour disposer simplement de notre argent ».

« Inutile de vous dire enfin, que je n’accepte pas cette communication infondée, injuste et méprisante qui donne une bien mauvaise image de notre profession, déjà bien écornée par la plupart des médias, continue-t-il. J’aime mon entreprise Monsieur le ministre, j’aime être au contact de ma clientèle, de mes collaborateurs, mais j’aime aussi le respect, la confiance que votre Gouvernement ne nous a jamais accordée. Aujourd’hui avec les recommandations que vous apportez aux français sur votre portail internet, véritable coup de couteau dans le dos pour notre profession, un de plus, hélas, vous risquez de mettre à mal toute une profession génératrice d’emplois, de savoir-faire, de proximité et de service. Le plus inquiétant dans cette question, si je puis me permettre, c’est que vous semblez fort bien conscient de l’incidence de votre communication », conclut Rémi Lettieri.