En 2019, un rapport de la Cour des comptes indique qu’environ 20 % l’activité d’un service d’urgences relève en réalité d’une consultation non urgente qui peut être redirigée vers une prise en charge en cabinet de ville ou en médecine générale. Cet été, près de 120 services d'urgences (sur 620) sont contraints de limiter leur activité ou s’y préparent.

 

C'est là que l’intelligence artificielle entre en jeu :  elle pourrait devenir un outil pour le « tri des patients », pour reprendre l’expression du nouveau ministre de la Santé François Braun, lors du congrès Urgences 2022.

À Paris, l’ophtalmologie a mené une expérience pour se rendre compte de l’efficacité d’un algorithme pour une potentielle ré-organisation des urgences.

 

Alimenter l'algorithme 

L’expérience commence en 2018 lorsque Michaël Guedj, chef de service d'ophtalmologie de l'Institut Arthur Vernes, met en place des questionnaires à remplir par le patient et son ophtalmologiste de manière à estimer le caractère urgent de la consultation. Ces questionnaires, réalisés auprès de 1 000 patients, ont ensuite servi à alimenter une intelligence artificielle dédiée à la gestion des urgences ophtalmologiques.

Ce logiciel prototype a été expérimenté pendant la pandémie au centre hospitalier des Quinze-Vingts à Paris. Un questionnaire est proposé aux patients qui estiment avoir besoin d'une consultation non-programmée : y sont détaillés les symptômes, leur intensité, leur durée, mais aussi les antécédents médicaux. L’algorithme est réputé pouvoir évaluer s’il s’agit bien d’une urgence ou si la prise en charge peut être reportée aux jours suivants. Mais cela permet aussi de savoir si l’ophtalmologue est indispensable ou non. 

 ia_ophtalmo.png 

Sur 91 répondants :

  • 49 patients ont été orientés vers les urgences en ophtalmologie. L’un d’entre eux a été surévalué par l’IA puisqu’il ne souffrait que d’une conjonctivite, et 5 patients ont refusé de consulter malgré le caractère urgent déterminé par l’algorithme.
  • 42 patients ont été invités à téléconsulter ou à prendre rendez-vous chez un médecin généraliste. Huit d’entre eux se sont tout de même présentés aux urgences, dont deux qui ont fait le bon choix : un nourrisson et un patient avec de lourds antécédents chirurgicaux (des paramètres encore mal identifiés par l’algorithme).

Améliorer le tri des patients

L’efficacité de l’IA (sa capacité à évaluer le caractère urgent d’une consultation) était de l’ordre de 95%. Certains paramètres nécessitent bien entendu d’être améliorés mais cet algorithme pourraient améliorer non seulement le tri des patients en amont mais aussi la qualité de leur prise en charge puisque le personnel médical disposerait d’informations avant même de rencontrer physiquement le patient.

Fluidifier les services d’urgences hospitalières en France était un enjeu déjà bien avant le Covid : le nouveau ministre de la Santé, François Braun, urgentiste au CHR de Metz-Thionville, est l’auteur d’une mission flash commandée par l’Elysée et rendue publique le 1er juillet dernier (quelques jours avant sa nomination). Elizabeth Borne devrait trancher parmi les 41 recommandations pour déterminer celles qui sont applicables.