Depuis 1 an, la ville de Saint-Quentin dans l’Aisne expérimente un « poste avancé en ophtalmologie ». Une terminologie martiale qui traduit l’urgence de la prise en charge des patients dans les territoires sous dotés. Ce poste avancé est en fait un centre de téléconsultation en ophtalmologie, mis en place par Point Vision en partenariat avec la Caisse d’Assurance Maladie. Une seule orthoptiste assure ici les mesures, réfractions, fond d’œil, tension oculaire… informations transmises en direct à l'un des ophtalmologistes du centre Point Vision à Lille-Lesquin, située à une bonne heure de route de Saint Quentin. Entre les deux villes, un désert médical, et des ophtalmologistes débordés. 7 sur les 9 installés dans cette zone, que Point Vision a contacté, ne prenait pas de nouveaux patients ; les 2 restants proposent des rendez-vous dans un délai de 6 mois.

Des chiffres édifiants

Après un an d’expérimentation, le poste avancé dresse son bilan :

  • 2 426 consultations réalisées,
  • 90% de taux de remplissage des rendez-vous
  • Délai moyen de rendez-vous de 19 jours
  • 80% des patients sont venus pour un bilan visuel
  • 40% des consultations ont débouché sur un rendez-vous physique
  • 99% des patients étaient satisfaits de la prise en charge
  • 240 glaucomes, 229 cataractes, 18 rétinopathies diabétiques et 35 DMLA ont été dépistés

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Tous les 15 jours, un ophtalmologiste du centre Point Vision de Lille prend en charge les patients en rendez-vous, lors de son déplacement à Saint-Quentin. Et ces journées-là sont bien remplies. En cas d’urgence, le patient pouvait être redirigé vers l’hôpital de Saint-Quentin, ce qui n'est pas arrivé pendant cette année d'expérimentation.

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La consultation à distance semble convenir aux patients 

 

Des patients sortis du système de santé

Les chiffres sont édifiants et expriment la forte carence en soins visuels de ce territoire, comme de nombreux autres dans le pays. François Pelen, ophtalmologiste et président de Point Vision, partage ce constat : « Nous ne nous attendions pas à un nombre aussi élevé de cataractes. Les patients étaient souvent des personnes âgées, allant jusqu'à 96 ans, qui étaient complètement sortis du système de soin, et qui y avaient même totalement renoncé, le plus souvent à cause de la distance à parcourir pour obtenir un rendez-vous. Ce que nous avons constaté, c'est que tous les patients ont été convaincus de l'efficacité de la prise en charge à distance : une patiente, au bout de 3 minutes, a été étonnée d'avoir le sentiment d'être dans la même pièce que l'ophtalmologiste à l'écran. Les moyens techniques déployés sont conséquents et offrent les meilleurs échanges possibles entre le patient et le spécialiste ».

 

Valorisant pour l'orthoptiste, et rassurant pour le patient

La prise en charge à distance s'opère aussi grâce à la présence physique de la secrétaire et de l'orthoptiste, qui assurent la pédagogie en amont du déroulé de la consultation. « Dans ces postes avancés, les responsabilités confiées aux orthoptistes sont valorisantes, et rassurantes pour le patient », conclut François Pelen.

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L'orthoptiste réalise les mesures et les transmet au cabinet d'ophtalmologie situé à 100km de là

 

Grâce à cette expérimentation à Saint Quentin, l'avenant 9 de la Convention médicale des médecins rend caduc certaines dispositions des avenants 6 et 8 qui autorisent la téléconsultation mais limitent les conditions de remboursement. L'avenant 6 par exemple stipule que le patient doit initialement avoir été orienté à la téléconsultation soit par son médecin traitant, soit par le médecin téléconsultant depuis moins d'un an. Un frein pour une une population en manque de prise en charge, ce qui est précisément l'objectif de l'avenant 9, ouvrant la possibilité de téléconsultation dans les zones sous denses dans certaines conditions.

L'efficacité de l'expérimentation de Saint Quentin peut-elle être une solution viable à l'irrigation des déserts médicaux ? François Pelen n'en espère pas moins, et souhaite ouvrir 2 "postes avancés" par centre (il y a 50 centres Point Vision) dans les années qui viennent, une fois que les pouvoirs publics auront pris connaissance de leur intérêt. Ceux qui en ont bénéficié, eux, ne sont plus à convaincre.