Dans son édition de janvier, le magasine Science & Vie consacre un dossier complet sur l'évolution des troubles de la vision et les « nouveaux miracles de la médecine ». Selon la revue, qui reprend les chiffres du rapport de l'Académie française d'ophtalmologie, « entre 2000 et 2020, le nombre de victimes de certaines pathologies devrait doubler en France », pour atteindre dès 2020, 3 millions de personnes touchées par une DMLA (contre 1,5 millions aujourd'hui), 5,6 millions de personnes souffrant de cataracte et 1,7 million d'un glaucome. Le mensuel évoque ici une véritable « épidémie » qui touchera toute la planète d'ici 10 ans...

La prise de conscience tardive d'un problème exponentiel

Les troubles de la vision étant souvent liés à l'âge, rien d'étonnant à ce que leur nombre augmente avec l'allongement de l'espérance de vie qui atteindra, selon le dernier rapport des Nations unies, 76 ans en 2050 contre 45 ans dans les années 1950. En France, il y a en plus le phénomène générationnel des « baby-boomers » qui auront 80 ans d'ici quinze à vingt ans... Avec l'âge, la rétine et le cristallin sont les premiers à être affectés par le temps qui passe. Jusqu'à 80 ans, l'oeil peut demeurer intact, mais « au-delà, tout se complique, et en aucun cas, il ne peut durer jusqu'à 120 ans ! » précise Gilles Renard, le directeur scientifique de la Société française d'ophtalmologie (SFO).

Si les spécialistes prévoient une hausse de 14% des troubles de la réfraction (myopie, presbytie...), le plus inquiétant reste l'évolution des maladies touchant la rétine et le cristallin, dont le nombre de cas explose : dans les pays développés dont l'Hexagone, « la DMLA affecte déjà 10% de la population des plus de 50 ans et 25% des plus de 80 ans, devenant la première cause de malvoyance » notent les auteurs de l'article de Science & Vie. En France, le nombre de patients atteints de DMLA devrait être multiplié par deux en 20 ans. Idem pour les maladies de la rétine et la cataracte. Pour cette dernière, le nombre d'opérations augmente de 20 000 par an, et les prévisions de glaucomes sont en progression de 70% entre 2000 et 2020.

La vue très affectée par l'environnement

Toutefois, le vieillissement de la population ne justifie pas tout. Des liens entre maladies oculaires et facteurs nutritionnels et environnementaux sont mis en lumière un peu plus chaque jour. Depuis 2008, une nouvelle hypothèse prend ainsi en compte le temps passé à l'extérieur. Selon Ian Morgan de l'Université de Canberra (Australie), qui a comparé les modes de vie d'enfants asiatiques vivants à Sydney et Singapour, « le seul facteur qui pouvait expliquer l'écart de prévalence de la myopie entre eux, c'est le temps passé à l'extérieur ». La lumière naturelle aurait ainsi un effet préventif sur l'apparition de la myopie.

Au-delà du tabac, une alimentation pauvre en oméga 3 et en antioxydants aurait une influence sur l'apparition de la DMLA. Ainsi le risque se réduit quasiment de moitié avec un régime riche en oméga 3, et de 25% avec des antioxydants. Mais une autre piste voit le jour depuis quelques années seulement : celle des lumières artificielles provenant d'écrans. Des chercheurs de l'Institut de la vision à Paris ont montré en août 2013 qu'une exposition à la lumière bleue (longueur d'onde de 435 nm) pouvait tuer les cellules de la rétine chez l'animal.

Reste que pour l'heure, aucune étude n'a permis d'évaluer précisément les impacts de chacun de ces facteurs sur notre vision, mais il semble évident qu'à terme, des changements dans nos comportements seront nécessaires et que les opticiens comme les autres professionnels de la vue seront de plus en plus sollicités pour traiter et prévenir les troubles de la vision.

Voir aussi notre plateau sur le Silmo 2013 : Les méfaits du mauvais bleu, comment se protéger