Des chercheurs de l'Université de Kingston se sont intéressés à la façon dont certains peintres atteints de troubles visuels, comme Monet ou Degas, utilisaient les jeux d'ombres et de lumière pour réinterpréter leur environnement et le peindre. Leur objectif est de trouver le moyen d'aider les déficients visuels à mieux vivre au quotidien et donc, à rester autonomes plus longtemps. 
Ce n'est un mystère pour personne, certains peintres célèbres souffraient de problèmes de vue. Ces troubles ont eu des effets sur leurs oeuvres à l'instar de Claude Monet qui avait une cataracte bilatérale. Malgré ce handicap, il continua de peindre en se fiant à sa mémoire et à une vision de près résiduelle. Mis au courant de la cécité postopératoire des peintres Honoré Daumier et Mary Cassatt, il refusa pendant 10 ans d'être opéré tout en poursuivant ses travaux (images ci-dessous).

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Le Bassin aux Nymphéas (1899)

 

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Le Pont japonais (1923)

Edgard Degas, dès 1880, constata lui aussi que sa vue déclinait à cause d'une DMLA. Il favorisa alors le pastel mais devint presque aveugle dans les années 1890, ce qui le poussa à se consacrer davantage à la sculpture. En s'appuyant sur cet exemple, les scientifiques rappellent qu'à la fin de sa vie, le peintre acheva ses toiles avec une vision limitée à 10%. Ces oeuvres « sans détail au niveau du visage et des vêtements » sont des représentations « plus que probables de ce que pouvait effectivement voir l'artiste », expliquent les chercheurs. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer les tableaux « Femme assise sur le bord d'une baignoire et s'épongeant le cou » (1880-1895) et « Après le bain, femme s'essuyant » (1906). 

Fort de ces sources, complétées avec les peintures de Rembrandt et Georgia O'Keeffe également touchés par des troubles de la vue, l'équipe du professeur Barbara Pierscionek a imaginé une maison dont l'environnement a été étudié spécifiquement pour faciliter la vie quotidienne des personnes ayant une vision limitée aux formes, aux ombres et à certaines couleurs. « Je m'intéresse de très près à la façon dont les artistes voient les choses, les impressionnistes en particulier, souligne-t-elle. Cela nous en dit long sur ce que le patient voit et sur ce que l'oeil humain est capable de faire si son environnement est optimisé ». En pratique, les chercheurs ont construit une « maison intelligente » en partenariat avec des ingénieurs en électronique et des informaticiens pour tester différents dispositifs d'accessibilité. 

Cette initiative n'est pas sans rappeler celles de l'Institut de la Vision qui a déjà développé deux projets aux buts similaires. Le premier, mis en place en 2010 et baptisé « Homelab », consiste en un appartement témoin dédié aux déficients visuels permettant de tester en condition réelle les solutions proposées par les industriels (mobilier, électroménager, des systèmes de communication homme-machine...) et d'en mesurer le bénéfice utilisateur. Le second, inauguré en 2013 sous le nom de « Streetlab », se présente sous la forme d'une « rue artificielle » et a pour objectif de développer l'autonomie, la mobilité et la sécurité des personnes malvoyantes en zone urbaine.