Lors de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dit loi Macron, l’amendement 11 quater C porté par la sénatrice UMP Dominique Estrosi-Sassone a été adopté par le Sénat. Ce texte supprime le premier alinéa de l’article L.4362-10 du code de la Santé Publique qui subordonne la délivrance de lunettes à la présentation d’une prescription médicale en cours de validité, c’est-à-dire datant de moins de trois ans. Cette obligation d’ordonnance, en vigueur pour les patients de moins de 16 ans, avait été étendue à tous les patients dans le cadre de la loi Hamon de 2014.

Cette décision de supprimer totalement l’obligation d’ordonnance reste aujourd’hui soumise à l’approbation de la commission mixte paritaire réunissant sénateurs et députés. Quel pourrait être l’impact de cette mesure ? Quelle est la position tenue par la profession. Nous avons interrogé les syndicats.

« Le sujet n’intéresse pas les opticiens » selon le président de la Fnof

Pour Alain Gerbel, président de la Fnof, la suppression de l’obligation d’ordonnance est de l’ordre « de la politique fiction » à l’heure actuelle puisque « le texte n’est pas encore passé en commission paritaire ». De plus, il estime que « cette information n’intéresse personne » et se refuse à tout autre commentaire.

Le Synope déplore le saupoudrage administratif et réclame une réforme de fond

Du côté du Synope, la déléguée générale Alexandra Duvauchelle explique que « le Synope considère, comme cela a été le cas au moment des discussions de la loi Hamon, que ces dispositions n’ont rien à faire dans un projet de loi sur l’économie ». Le syndicat rappelle également « qu’une concertation est menée dans le cadre de la mission de l’Inspection Générale des Affaires Sociales, et que ce n’est qu’au terme de celle-ci qu’une refonte globale des dispositions législatives relatives à notre métier a vocation à être identifiée ».

D’autre part, le Synope dit condamner le saupoudrage législatif sans cohérence dont notre profession est victime depuis deux ans et estime « plus que nécessaire de se donner le temps de construire une réforme de fond globale, qui traduise véritablement une valorisation du métier et des compétences, et favorise une prise en charge complémentaire et coordonnée avec les autres professionnels de la vision pour répondre aux enjeux de la santé visuelle ». Pour le Synope, « le processus législatif de ce texte est loin d’être finalisé ».

L’UDO pense que la loi Hamon faisait peser un risque sur l’emploi et le chiffre d’affaires

Le sujet revêt, en revanche, une importance majeure pour l’Union Des Opticiens (UDO) et sa présidente Catherine de la Boulaye dit suivre le dossier d’extrêmement près. « Nous n’avions pas compris la loi Hamon et regrettions les possibles conséquences économiques de ce texte. La France était le seul pays de l’UE à interdire la vente de lunettes sans ordonnance », souligne-t-elle. Un non-sens économique pour l’UDO qui affirme : « Beaucoup de magasins sont situés dans des grandes villes touristiques ou des villes frontalières. La loi Hamon constituait un frein à leur activité puisqu’on estime que 9,2% du volume de ventes de nos adhérents est réalisé avec des clients étrangers ».

Catherine de la Boulaye met également en avant les répercussions sanitaires de la loi Hamon : « Le délai d’obtention d’un rendez-vous chez un ophtalmologiste est assez long et la loi Hamon ne pouvait qu’embouteiller un peu plus les cabinets ». La présidente de l’UDO insiste aussi sur le professionnalisme des opticiens qui n’hésitent pas à orienter leurs clients vers des spécialistes. « Nous sommes des professionnels responsables et incitons nos clients à consulter un ophtalmologiste pour contrôler leur vue ».

Pour la présidente de l’UDO, la question est bien d’ordre économique étant donné que du chiffre d’affaires et des emplois sont en jeu. Qui plus est, elle rappelle que de 1945 à 2014, la loi française autorisait les opticiens à délivrer des lunettes sans ordonnance aux personnes de plus de 16 ans sans que cela n’ait jamais posé le moindre problème !

« Ce dossier est une véritable préoccupation pour les membres de l’UDO qui posent beaucoup de questions. Je m’étonne d’ailleurs que ce sujet ne suscite pas plus de cohésion et ne soit pas partagé par l’ensemble de la profession », conclut Catherine de la Boulaye.