Comme nous vous l’annoncions dans notre News du mercredi 17 juillet, le groupe EssilorLuxottica s’apprêterait à racheter GrandVision, propriétaire de GrandOptical (184 points de vente), Générale d’Optique (624 magasins), 3e acteur du marché en France avec 12,1% de parts de marché (15,3% pour Krys Group et 14,7% pour le groupe Optic 2000)*.

Si la poursuite du processus d’intégration verticale d’EssilorLuxottica n’est pas une surprise, il prend de cours tous les acteurs de la distribution par la rapidité de sa mise en place en Europe.

Et si ce rachat se concrétise, les lignes sur le marché français vont forcément bouger. Pour la première fois, le groupe EssilorLuxottica déjà bien implanté au niveau mondial dans le retail optique, physique et digital ** prendrait pied dans la distribution en France. Et compte tenu du poids des 2 entreprises auprès de la grande majorité des opticiens français, il est probable que l’impact d’un tel rachat sera significatif. On peut s’attendre également à des effets sur les stratégies des autres verriers. Particulièrement pour le groupe Hoya et Seiko qui avait remporté le dernier appel d’offres verrier de GrandVision.

Interrogés par Acuité, la plupart des acteurs n’ont pas souhaité s’exprimer pour le moment, en raison, pour certains, d’une dépendance à Essilor. Néanmoins acuite.fr a recueilli les réactions de 4 dirigeants.

Didier Pascual, PDG du groupe Afflelou

Cette annonce n’est pas une surprise. Le rachat par Essilor-Luxottica de GrandVision, s’il se confirme, est la prochaine étape dans le mouvement de verticalisation engagé au moment de la fusion des 2 groupes. Et GrandVision, est un candidat idéal donc l’opération serait pertinente.

Par ailleurs, même si les opticiens français l’oublient trop souvent, Luxottica est un acteur majeur du retail optique depuis 1995 au niveau mondial. L’Europe et la France, en particulier, restent de ce point de vue une exception.

La seule surprise vient du calendrier : on attendait cette entrée significative d’EssilorLuxottica dans la distribution française plutôt en 2021.

Pour le groupe Afflelou, la fusion des 2 géants n’était pas une inquiétude. Cette annonce ne l’est pas non plus et ne modifie en rien notre stratégie : nos franchisés travaillent avec plusieurs verriers et notre « dépendance » vis-à-vis d’EssilorLuxottica demeure acceptable. En 2018, nos magasins ont vendu plus de montures de notre collection Magic que de Ray-Ban !

Nicolas Sériès, président de Zeiss France

Le rachat annoncé de GrandVision par Essilor Luxottica, que celui-ci se fasse ou pas, confirme leur stratégie de maîtriser la distribution de l’optique en France comme partout dans le monde. Après avoir investi dans l’amont de la filière, avec les montures et les verres nous assistons à une intégration verticale totale avec des investissements majeurs dans l’aval, c’est-à-dire la distribution. Essilor désormais n’est plus uniquement le fournisseur des opticiens mais devient de facto leur propre concurrent. La stratégie de Zeiss consiste en revanche à donner à nos clients les moyens de réussir sur leurs marchés respectifs. Nous ne souhaitons ni aller dans la distribution, ni vendre sur internet, ni adresser directement le consommateur. Nos clients, c’est-à-dire le cœur de nos préoccupations du quotidien, ce sont les opticiens et nous travaillons main dans la main avec eux pour qu’ils réussissent. Notre succès passe par le leur.

Il demeure encore beaucoup d’incertitudes quant à ce rachat. Les négociations sont encore en cours. En cas de finalisation de l’opération, reste à obtenir le feu vert des autorités de la concurrence dans les pays concernés et au niveau européen. Certains acteurs du marché estiment que l’accord pourrait être recalé par l’Europe. Et rappellent que l’examen de la Commission au moment du rapprochement Essilor-Luxottica avait été long et difficile avant l’obtention de l’accord final.

Jérôme Schertz, directeur général de Luz

On s’attendait évidemment à la poursuite de l’intégration verticale d’EssilorLuxottica. Mais pas si vite… Cela va changer la donne dans la distribution optique française et modifier quelque peu les équilibres. En tout état de cause, ce rachat n’est pas forcément une mauvaise chose pour le marché, EssilorLuxottica n’ayant pas intérêt à détruire de la valeur. Néanmoins, le groupe passe de fournisseur partenaire à fournisseur… concurrent (?). 

Jean-Luc Sélignan, président de Club OpticLibre

Si ce rachat est entériné par la commission européenne, la part de marché qu’EssilorLuxottica risque de perdre auprès des opticiens français, notamment les enseignes ‘Essiloriennes’, ne sera pas compensée par la part de marché du groupe GrandVision. Une spécificité du marché français liée à un historique fort d’Essilor. Mais c’est une opportunité réelle pour Zeiss, Hoya, Kering, Marcolin et tous les autres. Essilor n’aura pas d’autres solutions que de prendre le plus grand soin des opticiens indépendants pour maintenir leur activité.

*Source Bien Vu « Evolution de la distribution en 2018 » N° de juin 2019

** Luxottica avec des enseignes comme Cole National, LensCrafters, Sunglass Hut International, Salmoiraghi&Viganò, Essilor avec les sites FramesDirect, EyeBuyDirect, Coastal, Clearly, VisionDirect, MyOptique, elens, eOptica, Coolwinks