Aujourd'hui 15 juin, la Cour de Justice de l'Union européenne s'est prononcée sur la vente en ligne de lentilles de contact. Répondant à des questions formulées par un tribunal hongrois, son avocat général Paolo Mengozzi a formulé les conclusions suivantes :

- Une interdiction nationale de vente par Internet de lentilles de contact constitue une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation, interdite par le droit communautaire.

- Une telle réglementation n'est pas justifiée par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes. Aussi légitime que soit son but, l'objectif de protection de la santé publique peut être atteint au moyen de mesures moins contraignantes.

Une obligation d'information plus légère pour les renouvellements

Pour justifier ces conclusions, l'avocat général développe les arguments suivants :

- La justice européenne ne conteste pas la réglementation qui soumet la délivrance de lentilles à une prescription, mais estime que "le fait qu'il s'agisse de dispositifs médicaux et non de médicaments atténue l'intensité de l'obligation d'information et de conseil du professionnel compte tenu de la différence en termes de risque".

- Les besoins en information et conseil sont moindres pour les acheteurs qui utilisent depuis un certain temps ces dispositifs médicaux. L'opérateur par Internet peut contrôler l'authenticité de la prescription ou fournir une information et un conseil suffisant par des moyens appropriés tels que, par exemple, un avertissement sur le site Internet rappelant la nécessité de consulter en cas de problèmes ou l'insertion de notices explicatives dans les colis.

- Rien n'empêche d'imaginer un schéma de vente par Internet dans lequel la livraison serait, elle aussi, assurée par du personnel qualifié.

- La délivrance de lentilles de contact rigides mérite le suivi particulier qu'est le processus d'adaptation et de vérification. En revanche ce processus est beaucoup moins prononcé dans le cas où des lentilles souples sont prescrites. En outre, le suivi dans l'utilisation des lentilles cosmétiques s'avérera beaucoup moins contraignant que pour les lentilles correctrices.

Ces conclusions, bases de la future législation française ?

La justice européenne a formulé ces conclusions dans le cadre d'une affaire opposant le site Internet de vente de lentilles Ker-Optika aux autorités de la santé hongroises, qui lui a interdit cette activité. Selon la législation hongroise, la vente de lentilles de contact doit en effet être réalisée par un personnel qualifié dans un magasin spécialisé d'une superficie minimale de 18m². Ker-Optica a porté l'affaire devant la justice nationale : confrontée à une difficulté d'interprétation du droit européen en matière de libre circulation des marchandises, cette dernière a saisi la Cour de Justice de l'Union européenne sur ces questions.
Cet avis était attendu par la France qui, selon nos informations, entend l'utiliser pour élaborer une réglementation spécifique à la vente sur Internet de lentilles et de lunettes. Epinglé par la Commission européenne qui l'accuse "d'entrave à la vente en ligne de produits d'optique-lunetterie", le gouvernement a déclaré ne pas s'opposer à ce mode de distribution, mais a cependant averti que la France pourrait "si nécessaire prévoir des dispositions spécifiques afin de garantir les principes fondamentaux de sécurité et de qualité des soins".