Ce mardi, notre tour d’horizon des centrales d’achats se poursuit avec Cercle Optique. Benjamin Zeitoun, directeur général, a répondu à nos questions.

Acuité : Quel bilan tirez-vous de la reprise de l’activité ?

Benjamin Zeitoun : La reprise en Ile-de-France est meilleure que prévue. D’après les verriers, le redémarrage de l’activité est plus dynamique chez les opticiens indépendants. Les consommateurs évitent de se rendre dans les grands magasins depuis la crise sanitaire. Autre enseignement de la reprise : grâce au prêt garanti par l’Etat (PGE), la situation financière des opticiens est plus confortable qu’avant la Covid-19. Mais soyons prudents. Au sein de Cercle Optique, nous avons établi 2 profils d’opticiens :

  • Ceux qui ont ouvert un magasin ces 2-3 dernières années et qui ont des crédits (fonds de commerce, matériels…) risquent d’être fragilisés ;
  • Pour les autres professionnels en activité depuis au moins 5 ans et qui n’ont pas de difficultés financières, ce crédit sera très facilement absorbé.

A. Comment avez-vous accompagné vos adhérents durant le confinement ?

B. Z : Environ la moitié de nos adhérents ont bénéficié d’un échelonnement en 2 fois des factures. Nous avons également reporté l’ensemble des relevés d’une dizaine d’opticiens. Notre souhait : apporter des conseils sur-mesure et individualisés en fonction de leurs besoins et de leurs attentes (accompagnement pour toutes les démarches administratives : PGE, recours au chômage partiel…) J’échangeais avec 3 à 4 adhérents par jour pour comprendre leurs problématiques.

En outre, nous avons joué un vrai rôle de médiateur en leur rappelant que les fournisseurs supportaient aussi la crise. D’où la nécessité d’adopter un état d’esprit solidaire. Cercle Optique a tenu tous ses engagements pour ne pas rompre la chaîne économique. Par précaution, la centrale d’achats a souscrit un PGE pour renforcer sa trésorerie. Mais nous ne l’avons pas utilisé. La somme empruntée sera remboursée dès le début de l’année en une seule fois.

A. D’autres mesures ont-elles été prises ?

B. Z : Oui, nous avons réalisé des commandes groupées de produits sanitaires : masques, gel hydroalcoolique, visières… pour nos adhérents mais aussi pour l’ensemble de la profession. Tous les opticiens, qui le désiraient pouvaient s’approvisionner auprès de Cercle Optique. La raison ? La solidarité de la profession devait primer face à la situation économique.

A. : Compte tenu de la crise sanitaire, tous vos adhérents vont-ils tenir le choc ?

B. Z : Après la crise que nous traversons, il est indispensable pour les opticiens de se remettre en question. Ceux qui ne le feront pas auront des difficultés. Parmi les axes de réflexion : fidéliser davantage la clientèle, établir une autre stratégie commerciale, aller plus loin dans son approche consommateur et travailler l’expérience client. Plusieurs études ont montré que les habitudes d’achats des clients vont évoluer après la Covid-19. L’opticien va devoir ainsi s’adapter !

La majorité de nos adhérents ont une trésorerie suffisamment solide pour passer le cap. Moins de 5% pourraient être en difficultés. Ce sont des opticiens endettés ou qui ont de gros loyers.

A. : Quelles sont vos estimations du marché pour l’année complète ?

B. Z : Le marché de l’optique a une bonne résilience par rapport à d’autres secteurs. Les indicateurs sont au vert à l’heure actuelle. Bien que nous observons une belle croissance de certains magasins à périmètre constant témoignant d’un rattrapage, nous ne sommes pas en mesure de savoir si ce courant acheteur est amené à se poursuivre et de quelle manière. Une anticipation à ce jour autour de -12/-14% me paraît cohérente. Nous pourrons en septembre annoncer notre prévision en fonction notamment du flux des factures dont nous n’avons pas le recul à ce jour.

Il y a également plusieurs incertitudes. Comment va se comporter le consommateur après la crise ? Quid de la pénurie d’ordonnances ? Le manque de prescription pourrait impacter notre profession. Dans ce contexte, j’invite tous les syndicats à communiquer auprès du grand public sur les possibilités de renouvellement des équipements optiques par les opticiens.

A. : Quelles sont vos perspectives de développement à moyen terme ?

B. Z : Nous croyons énormément à la synergie optique-audio. C’est pourquoi nous avons conclu un partenariat avec l’enseigne Total’ Audition lancée en 2019 par Benjamin Astruc, audioprothésiste. Objectif : accompagner les opticiens à 360°dans leur stratégie de développement du pôle audition. Concrètement, Total’ Audition prend en charge la communication (site internet, réseaux sociaux…) et négocie les prix pour l’opticien. Ce dernier joue le rôle d’ambassadeur de son magasin et gère la prise de rendez-vous.

Nous souhaitons installer une dizaine de corners audio d’ici la fin de l’année. Coût de la cabine : entre 220 et 240 euros par mois sur 5 ans. D’après nos estimations, l’investissement est rentable à raison de 3 appareils auditifs vendus par mois. Total’ Audition aide au recrutement de l’audioprothésiste, qui intervient une journée par semaine. C’est un partenariat gagnant-gagnant.

 

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