Le 28 novembre dernier, nous vous avions informé de la réaction du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof) suite à l’arrêt de la Cour de cassation concernant la société E-Ophta, dénommée Ophta City, pour des faits d’exercice illégal de la médecine. Un arrêt qui, selon le syndicat des ophtalmologistes, dont le seul pourvoi a été jugé recevable devant cette juridiction (le Conseil national de l’ordre des médecins et la Caisse primaire d’assurance maladie ayant été déchus de leur pourvoi), « lui donne raison ». Il ne prononce néanmoins aucune peine d'interdiction d'exercer à l'encontre de la société E-Ophta

Un arrêt qui ne règle pas la question de fond

Pourtant, selon maître Omar Yahia, avocat de la société E-Ophta, « la Cour de cassation, chargée de statuer en droit et non en fait, renvoie le réexamen de l’affaire à la cour d’appel ».

Si son arrêt annule en effet la décision de la Cour d’appel de Douai de 2018, sa rédaction conserve de nombreux points en suspens. Concernant la tonométrie à jet d’air sans contact et les topographes cornéens, il indique : « Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors, d’une part, que la mesure de la tension intraoculaire et la topographie cornéenne, qui peuvent être effectuées par des médecins ophtalmologistes ou, sous la responsabilité de ceux-ci et sur leur prescription, par des orthoptistes, sont des actes médicaux en ce qu’ils prennent part à l’établissement d’un diagnostic et, d’autre part, qu’elle constatait que la société E-ophta ne comprenait que des opticiens-lunetiers et des optométristes, lesquels réalisaient divers examens et commandaient des lunettes avant toute prescription médicale, ce dont il se déduisait qu’ils diagnostiquaient des troubles de la vision …, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ».

« La question centrale est bien celle de l’usage de ces appareils. A-t-on besoin de compétences médicales pour les utiliser ? Rappelons que depuis 2016 (décret Opticiens, ndlr), les opticiens ont la possibilité d’adapter, dans le cadre d’un renouvellement, des prescriptions médicales, ce qui les a conduits à s’équiper en matériel dont ils peuvent donc se servir sans pour autant réaliser des actes médicaux », argumente maître Omar Yahia. Avant de poursuivre : « Tout repose dans cette affaire sur ce qu’on entend par exercice illégal de la médecine. Parler de diagnostic de troubles de la vision est un non-sens. »

La décision de la Cour de cassation ne vient donc pas clore des années de procédures dans un dossier épineux et particulièrement technique. D’autant qu’elle intervient au moment même où les pouvoirs publics se penchent sur la réorganisation de la filière de soins optiques et l’extension des compétences et missions des opticiens. La Cour d’appel de Douai devrait de nouveau juger ce dossier à la fin du premier semestre 2020.