Le décès de Leonardo Del Vecchio, fondateur de Luxottica, est un bouleversement dans le monde de l’optique. Infatigable capitaine d’industrie parti de rien et laissant derrière lui un empire valorisé à 66 milliards d'euros à la bourse de Paris, il a marqué les esprits de tous ceux qui ont croisé sa route, ne serait-ce qu’une fois. Nous avons sollicité quelques-uns de ceux qui l’ont côtoyé :

« Il n'évitait pas les obstacles, il les affrontait »

Bernard Galan a été directeur général Luxottica France puis responsable prescription division Wholesale à Milan. Il a travaillé pour le lunetier de 2009 à 2021, et se souvient « d’un dirigeant né. Je ne connais personne qui ait rencontré cet homme sans lui témoigner du respect, il laissait une impression de grandeur. Peu d'entrepreneurs arrivent à bâtir un empire aussi grand en une seule vie. Il avait non seulement un leadership, mais aussi une vision. Il a su toujours avancer pour faire progresser conjointement son groupe et le marché au sein de son groupe. Une organisation très efficace, et cela sur les 5 continents. Très attaché à la production, quand il visitait les usines, il voulait toujours savoir ce qu’il y avait de nouveau, il était toujours dans la projection vers l’avenir et il foisonnait d’idées, pas seulement concernant les montures, mais aussi les verres, les machines, la logistique, l'assurance et les points de vente. Il n’évitait pas les obstacles, il les affrontait. Il restait toujours très curieux, il regardait et aimait les produits, les prototypes… C’était un dirigeant charismatique qui pouvait prendre des décisions parfois radicales, ce qui les rend remarquables à la lumière du temps. L'oeuvre de toute une vie et sa réussite resteront à tout jamais. »

« Il a toujours gardé cet esprit d’artisan, mais au niveau industriel »

Etienne Hermer-Pitri, qui a été le premier commercial Armani en Île-de-France en 1988, a rencontré Leonardo Del Vecchio cette année-là au Mido. « C’était là que tout a commencé pour moi, et pour lui aussi ! Giorgio Armani était sa première griffe. Il m’a demandé ce dont j’avais besoin. Je lui alors fait part de certains modèles que nous n’avions pas en France et il me les a fait parvenir dès la semaine suivante. C’était quelqu’un qui avait le sens de l’écoute à 200%, il était d’une simplicité et d’une efficacité redoutable. Je le considère comme mon père professionnel et spirituel. Dès que je fais quelque chose dans ma vie professionnelle, je me demande comment il aurait fait. Il a toujours gardé cet esprit d’artisan, mais au niveau industriel. Il travaillait sans relâche. D’après ce que je sais, il y a 3 semaines, il était encore au bureau. »

« C’est le géant de la lunette qui a disparu »

Marcel Cézar, directeur de la franchise Acuitis, rend lui aussi hommage à Del Vecchio. Il se rappelle d’une anecdote en 1989 : « nous avions à l’époque 5 magasins GrandOptical et nous avons contacté Del Vecchio pour lui dire que le positionnement de la marque Armani était erroné, que les prix n’étaient pas adaptés. Quelques jours plus tard, il est venu avec son fils nous rendre visite dans nos bureaux à la Défense, ils voulaient comprendre. Après la visite d’un de nos magasins, il est rentré en Italie et nous a envoyé une lettre où il indiquait que nous avions raison, et qu’il allait modifier le positionnement. Peu de dirigeants sont autant à l’écoute : aujourd’hui c’est le géant de la lunette qui a disparu ».

« Del Vecchio était très soucieux de ses usines et de son personnel »

Andrea Fiabane a été notamment directeur général de Luxottica France et aussi du retail en Chine. Il a travaillé pendant 24 ans pour l’entreprise italienne et regrette Leonardo Del Vecchio. « C’était un personnage très important en Italie. Son décès est une grande perte pour tout le monde ici à Agordo. J’ai commencé à travailler pour Luxottica en 1990, l’entreprise venait d’entrer à la bourse de New-York. Del Vecchio, c’était un grand homme avec de grandes idées, son fils également. C’est d’ailleurs son fils qui l’a poussé à acheter Lenscrafter. Il faut aujourd’hui regarder vers l’avenir, et il est évident que sa succession est déjà bien organisée. Mais surtout, Leonardo Del Vecchio était très soucieux de ses usines et de son personnel, il a pris toutes les dispositions pour les protéger après sa mort ».

« L'Europe a besoin de grands entrepreneurs comme lui »

Xavier Fontanet, ex-DG et PDG d’Essilor de 1991 à 2010, est admiratif de son leadership : « un homme qui nous quitte est toujours un moment d’émotion. On a perdu un très grand patron italien ; c’est quelqu’un qui est parti de rien, qui a travaillé au moins 70 ans, de longues heures chaque semaine...Pour affronter la concurrence mondiale qui se dessine, l’Europe a besoin de grands entrepreneurs comme lui. »