La presse grand public fait écho depuis plusieurs jours d’une nouvelle « révolution » dans le secteur de l’optique. Des lunettes intelligentes pourraient régler les problèmes de presbytie, relayant au placard les verres pour voir de près et les progressifs. Est-ce réellement l’idée qui révolutionnera le futur des presbytes ? La rédaction d’Acuité s’est posée la question...

Comment ça marche ?

Carlos Mastrangelo, professeur en Ingénierie à l'université de l'Utah, a imaginé des lunettes autofocus et connectées pour faciliter la vie des presbytes. La monture, peu esthétique pour le moment, est équipée de verres « liquides » : de la glycérine contenue dans des membranes souples. La puissance optique est ajustée automatiquement, en 14 millisecondes, en fonction de la distance œil – objet regardé, calculée par un capteur infrarouge situé sur le pont des lunettes. Un système mécanique active alors des « déclencheurs » qui changent la courbure de la membrane en face avant et déplacent le fluide verticalement.

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Le porteur doit d’abord connecter l’équipement à un Smartphone via Bluetooth. Il saisit ainsi les informations de son ordonnance pour qu'elles soient prises en compte par l’actuateur, un moteur électrique utilisé pour actionner les déclencheurs. Le prototype actuel possède une batterie rechargeable qui tient pour le moment 24 heures.

Une vraie révolution ?

Présentées au dernier Consumer Electronics Show (CES), qui s'est tenu à Las Vegas (Nevada) du 5 au 8 janvier 2017, cette paire de lunettes connectées pour presbytes aurait fait sensation ! Certains annoncent déjà la fin des verres progressifs. Mais rien n’est moins sûr...

Tout d’abord, l’innovation n’est pas sans rappeler les verres électroniques Empower, dont la distribution avait été confiée en France à Novacel. Cette technologie a été conçue par PixelOptics en 2010. L’entreprise ayant fait faillite en 2013, elle a été rachetée en 2014 par la firme japonaise Mitsui Chemicals. Par l'activation électrique de zones à cristaux liquides électro-actifs insérés dans le verre, et par simple effleurement de la branche de la monture, le porteur peut passer d'une correction vision de loin + vision intermédiaire à une correction vision de loin + vision de près. En mode automatique, le changement de correction s'effectue dès que le porteur baisse ou relève la tête, grâce à des capteurs intégrés à la monture. Mais le produit n'a finalement jamais été commercialisé en France.

Notons également que si l’invention de Carlos Mastrangelo est apparue comme révolutionnaire outre-Atlantique, c’est sûrement dû au fait que le progressif n’est pas matière commune. L’utilisation de ce verre, inventé en France par Bernard Maitenaz dans les années 1950, varie d'un pays à l'autre. Carlos Mastrangelo, lui-même presbyte, porte des verres bifocaux. En France, le taux d’équipement en progressifs est plus important qu’ailleurs (32% contre 12% dans des pays comme l’Angleterre et les Etats Unis en 2013).

Enfin, à l'heure actuelle, ces lunettes connectées sont assez massives. Les chercheurs américains confient qu'ils travaillent d'ores et déjà sur un nouveau modèle plus léger qui intégrera un dispositif de tracking de l’œil, une caméra pour la profondeur et une batterie plus puissante pour alimenter ces nouveaux éléments. L’équipement pourrait être vendu entre 500 et 1 000$.

Il faudra donc encore attendre 2 ou 3 ans pour savoir si cette technologie révolutionnera réellement le secteur de l’optique.