Sur le papier, le mécanisme est simple : les patients qui n'honorent pas leur rendez-vous médical sans prévenir au moins 24h à l'avance payeront une taxe de 5 euros au médecin. Cela ne concernerait que les prises de rendez-vous en ligne. 

Plusieurs limites se dégagent de cette annonce : que faire pour les 50% de prises de rendez-vous par téléphone ? Que faire lorsqu'un patient conteste ? Comment adapter les logiciels médicaux et les plateformes de rendez-vous en ligne sans ajouter une nouvelle démarche pour les médecins ? 

Sans compter que les estimations du nombre de consultations non honorées sont réalisées au doigt mouillé, entre 3 et 10% selon les études. 

 

Mais l'idée fait son chemin et fait réagir les syndicats de médecins généralistes et spécialistes. 

Le président du syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof), Vincent Dedes, nous a donné son point de vue :

 

Acuite : Les rendez-vous non honorés sont-ils fréquents en ophtalmologie ?

 

Vincent Dedes : « Notre principale source provient de Doctolib*. Sur cette base, environ 1 million de consultations en ophtalmologie ne sont pas honorées par les patients chaque année, sur un total de 30 millions de consultations. Cela représente entre 3 et 4%, ce qui n'est pas négligeable. C'est une perte pour les médecins, mais aussi les patients qui auraient bien aimé pouvoir bénéficier d'un créneau annulé tardivement par un autre patient. Selon les territoires, les délais d'obtention sont plus ou moins longs. Or, plus ils sont courts, plus les patients auront tendance à ne pas prévenir en cas d'impossibilité d'honorer leur rendez-vous ». 

 

Acuite : Que pensez-vous du projet d'instaurer une taxe lapin ?

 

Vincent Dedes : « Ce sujet est intéressant. Je pense qu’il est temps de responsabiliser le patient dans son utilisation du parcours du soin. La taxe lapin serait une manière de rappeler aux patients que les soins, ce n'est pas gratuit, même si ça peut en avoir l'air pour le bénéficiaire. La carte vitale n'est pas une carte bleue. Notre système de soins fonctionne grâce à l'effort collectif de la société, et les patients doivent garder cela en tête. Dans l'absolu, ce dispositif de faire payer les rendez-vous non-honorés permettrait d'éduquer les patients ».

 

Acuite : Vous y êtes donc favorable ?

 

Vincent Dedes : « C'est une piste qu'il faut explorer. Son application rencontre plusieurs obstacles. À commencer par les plateformes de prise de rendez-vous en ligne comme Doctolib qui ont exprimé ne pas être favorable à demander systématiquement une empreinte de carte bancaire avant le rendez-vous.

Ensuite, cela peut dégrader la relation de confiance avec le patient si cette taxe lapin est appliquée systématiquement dès qu'un rendez-vous n'est pas annulé sous 24h. On sait que, souvent, les patients qui ne peuvent pas honorer un rendez-vous ne l'apprennent que peu de temps avant. On ne peut pas leur en vouloir d'avoir une urgence. Avec une patientèle construite et régulière, on a moins de patients qui oublient d’annuler ».

 

Acuite : Faut-il envisager d'autres mécanismes ?

 

Vincent Dedes  : « Le dispositif prévu pénalise le patient. Il faut peut-être réfléchir a un modèle par la loi : si un patient n'honore pas un rendez-vous sans avoir prévenu, on peut imaginer un dépassement exceptionnel lors de sa prochaine consultation. 

De façon générale, pour rappeler au patient que le temps médical, les actes médicaux et les dispositifs médicaux ne sont pas gratuits, il faudrait mettre en avant le prix réel des soins. L’idée n’est pas de pointer du doigt le patient. Mais s'il connaissait le prix réel, il aurait tendance à être plus attentif et compréhensif envers les médecins et les actes médicaux réalisés ».

 

*50% des ophtalmologistes libéraux sont présents sur des plateformes en ligne de prise de rendez-vous comme Doctolib. L'ophtalmologie est l'une des spécialités médicales la plus représentée sur ces plateformes.