Dans son rapport sur les comptes de la Sécurité sociale 2012 paru en septembre 2013, la Cour des comptes jugeait les restes à charge encore trop élevés, en particulier en optique et dentaire. Enfonçant le clou, le dernier baromètre CSA pour Europ Assistance de la santé en Europe indiquait que le renoncement ou report des soins avait déjà touché en France 33% des citoyens depuis le début de l'année*. Face à ce fléau, de nombreuses critiques se sont élevées à l'encontre des opticiens, jugés responsables de la situation en matière de santé visuelle**. A contre-courant de cette pensée largement défavorable à notre filière, Gilles Oster, consultant social indépendant et gérant de la société Vision Consultance, livre son analyse dans une chronique parue sur le site des Echos.

D'après l'expert, tous ces chiffres produits par des sondages seraient à prendre avec d'extrêmes précautions. Comment, en effet, comprendre que la France qui se vante d'avoir « l'un des meilleurs systèmes de santé au monde » puisse afficher « un renoncement aux soins très largement supérieur à la moyenne européenne (taux supérieur de 83%) et surtout un taux de renoncement de plus de 43% supérieur à celui des USA », alors même que « 92% de la population française est couverte par au moins une complémentaire santé » ?

Les Français renoncent aux soins... esthétiques

A en croire Gilles Oster, la France absorbe « des chiffres qui ne veulent finalement plus rien dire, puisque nous n'avons rien à en dire, juste à les répéter à n'en plus finir ». Prenant l'exemple « concret des lunettes », le consultant se livre à un calcul édifiant : puisqu'il est possible dans un magasin physique d'optique-lunetterie de s'équiper « pour 29 euros avec une monture et 2 verres uni-focaux standards de correction -10 à + 10, cylindre 6 et hors options », « cela signifie que plus de 97% des personnes atteintes d'une déficience visuelle nécessitant des verres unifocaux est couverte par cette offre ». Au total, en prenant un changement de lunettes tous les 3 ans en moyenne, cela coûterait au porteur 0,80 euros par mois sur cette période.
Et dans le cas de verres progressifs, « les 1ers prix sont à 89 euros avec 1 monture et 2 verres progressifs de correction -8,50 à +5,50 et de cylindre 4 et hors options, correspondant aussi à plus de 97% de la population presbyte. Le coût ramené sur 3 ans est de moins de 2,50 euros par mois », conclut-il.

De là à dire que le renoncement aux soins en France, dans le cas de l'optique, ne serait pas dû à des considérations bassement financières, il n'y a qu'un pas que franchit sans hésiter notre consultant. Au contraire, selon lui, le renoncement aux soins optiques correspond de fait « pour la grande majorité des personnes interrogées, uniquement au renoncement de l'achat d'une monture griffée avec des verres toute option au prix de l'entrée de gamme. »
Pour Gilles Oster, « le renoncement des soins en optique pour "raisons financières" doit exister à n'en point douter, mais ne doit pas dépasser à l'oeil nu 1 ou 2%. » De quoi remettre en question bien des études et surtout, les décisions prises par notre Gouvernement en matière de régulation du prix des lunettes.

*Lire notre news « Renoncement aux soins optiques : les Français en tête de liste »
**Lire notre news « Vous êtes (aussi) responsables du renoncement aux soins, selon E. Caniard (Mutualité Française) »