Durée de validité de l'ordonnance : les syndicats divisés sur l'allongement à 5 ans

Le Sénat a adopté hier matin, en première lecture, les articles 5 bis et 6 du projet de loi Lefebvre. L'une de ces dispositions prévoit d'allonger la durée de validité des ordonnances de lunettes à 5 ans (contre 3 ans aujourd'hui), pour faciliter l'accès des amétropes aux équipements optiques dans un contexte de baisse démographique des ophtalmologistes. Les syndicats s'opposent sur ce projet.

Reconnaissance pour les uns...

Pour le SynOpe (Syndicat des opticiens sous enseigne), cet allongement de la validité de la prescription "est une très bonne chose". En cas d'adoption définitive, "cela permettra à l'opticien de faire un travail de fond pendant 5 ans. C'est une vraie reconnaissance pour la profession », nous a expliqué son président Christian Roméas. Du côté de l'AOF (Association des optométristes de France), cette disposition est aussi "un point positif, mais ne résout pas le problème de fond : il serait plus cohérent de réglementer l'exercice de ceux qui ont les compétences pour pallier le déficit d'ophtalmologistes, et de surveiller de manière plus rigide les opticiens d'ordonnances", insiste Philippe Verplaetse, son dirigeant. L'UDO (Union des Opticiens) explique quant à elle avoir « été auditionnée par la commission de l'Economie du Sénat (qui a rédigé les articles 5 bis et 6, ndlr), et constaté que certaines de ses propositions ont été retenues », sans autre précision. Son président, Henri-Pierre Saulnier « attend le retour du texte à l'Assemblée nationale pour se prononcer ». En attendant, il annonce que son syndicat « mettra tout en oeuvre pour que la profession ne soit pas pénalisée ».

... Non-sens pour les autres

Alain Gerbel, président de la Fnof (Fédération nationale des opticiens de France), s'oppose à cette mesure, initiée par le sénateur (et opticien) Gérard Cornu : « ce délai de 5 ans a été fixé sans concertation avec la profession », souligne-t-il. Il regrette la première version du texte votée en octobre par l'Assemblée nationale, qui prévoyait alors de fixer la durée de validité de l'ordonnance par décret, en la modulant en fonction de l'âge du client. Cette solution avait également la faveur du Snof (Syndicat national des ophtalmologistes de France) : son président, le Dr. Jean-Bernard Rottier, se bat contre l'inscription dans la loi de la durée de 5 ans, qui s'apparente selon lui à une « démédicalisation allant à l'encontre des principes fondamentaux de santé publique » : « ce vote du Sénat est un non-sens sur le plan sanitaire, une mesure grave qui touche à la santé des Français, votée en catimini dans le cadre d'un projet censé porter sur la consommation, mais qui au final a des conséquences directes sur l'offre de soins ophtalmologiques en France », estime-t-il.

Monopole confirmé, ou menacé ?

Parallèlement à la durée de validité de l'ordonnance, l'article 5 bis précise que « la délivrance de verres correcteurs et de lentilles correctrices est réservée aux opticiens-lunetiers » diplômés (qu'il s'agisse de vente sur Internet ou en magasin). Pour le sénateur Alain Fauconnier, rapporteur du texte, et son collègue Gérard Cornu, « cette disposition consacre le monopole de vente dont bénéficient les opticiens-lunetiers ». Si elle satisfait le SynOpe, elle suscite la désapprobation de la Fnof : pour la Fédération, cette rédaction pénalise au contraire la profession, en faisant sortir de son monopole les activités telles que la basse vision.

Le texte doit être désormais débattu en seconde lecture à l'Assemblée nationale. D'ici là, chaque organisation entend mener son lobbying auprès des élus. En cas de désaccord avec les sénateurs, ce sont les députés qui auront le dernier mot.