La prise en charge des déchets dans notre filière est aujourd’hui à ses balbutiements. Comme dans d’autres secteurs d’activité, les pistes se multiplient pour trouver à la fois une manière d’organiser la collecte, des solutions techniques pour traiter les différents matériaux et un modèle économique acceptable.

L’un des principaux acteurs du recyclage en optique-lunetterie est Terracycle. Son directeur général Europe, Julien Tremblin, a répondu à nos questions.

 

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Julien Tremblin, directeur général Europe de Terracycle

 

Acuite : Quelle est l’activité de Terracycle ?

Julien Tremblin : Terracycle est spécialisé dans le recyclage des déchets non-recyclés. Nous sommes présents aux USA et dans 12 pays d’Europe, où la France et le Royaume-Uni sont nos marchés les plus développés. Nous travaillons aujourd’hui avec plus de 75 filières qui génèrent des déchets complexes : depuis les stylos à insuline aux capsules de café en passant par les biberons de maternité ou encore les vapoteuses et les peintures utilisées pour les figurines Warhammer. Ces déchets sont considérés comme non-recyclables en raison d’une équation économique plutôt que technique. Séparer les différents éléments qui constituent ces déchets coûte trop cher par rapport à la production à base de matériaux neufs.

 

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Collecte de lunettes destinées au recyclage @Terracycle

 

AC : Pourquoi vous êtes-vous intéressé au recyclage des déchets de l’optique-lunetterie ?

JT : Terracycle a mis en place des partenariats avec des fabricants de lentilles aux USA et en UK depuis 2019, avec Bausch & Lomb et Johnson & Johnson. Plus récemment, en 2021, nous avons commencé à prendre en charge les déchets de Krys et d’Optic 2000/Lissac concernant les lunettes. Nous en avons recyclé environ 80 tonnes pour le moment. À titre de comparaison, sur la même période, nous avons pris en charge environ 1 500 tonnes de capsules de café. Ces déchets complexes sont issus de la consommation en France : la législation n'autorise pas qu'ils traversent les frontières. 

AC : Peut-on tout recycler dans l’optique-lunetterie ?

JT : Cela fait 3 ans seulement que nous collectons et traitons les lunettes, donc nous n’avons pas encore toutes les solutions pour tous les matériaux. Aujourd’hui, tous les matériaux ne peuvent pas être retourner à leur fonction première. Pour le polycarbonate par exemple, utilisé pour les verres organiques, il est impossible de les réutiliser autrement qu’en valorisation énergétique. En revanche, certains acétates peuvent être réemployés dans la lunetterie.

 

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En 3 ans, environ 80 tonnes de lunettes ont été recyclées ou valorisées @Terracycle

 

AC : Comment se déroule le recyclage ?

JT : Le processus est le suivant : les lunettes sont d'abord broyées pour pouvoir séparer les différentes matières. À l'aide de caisses de flotaison dans des bains aux densités variables, les plastiques sont séparés selon leur masse. Pour les métaux, ce sont des aimants qui sont utilisés. Les matières sont donc triés pour obtenir un ensemble homogène, le plus pur possible. Nous revendons ces matériaux pour qu'ils soient utilisés dans des applications industrielles diverses. Nous ne pratiquons pas de valorisation énergétique. 

AC : Comment développer la filière de recyclage ?

JT : Plus les volumes collectés sont importants, plus le modèle économique peut être pérenne. Mais pour l'heure, il y a une montagne de déchets qui ne sont pas recyclés ou valorisés pour des raisons financières. La gestion de la fin de vie des produits est toujours compliquée à mettre en place. Cela peut sembler souvent insurmontable mais il ne faut pas être défaitiste. Les acteurs sont de plus en plus nombreux à chercher les solutions les plus adaptées. Le recyclage fournit aussi des arguments marketing solides aux fabricants et distributeurs à l'heure où les consommateurs sont de plus en plus sensibles à ce sujet.