Opticienne et artiste engagée, Carla W. Sfeir raconte l’histoire à travers les montures qu’elle dessine et façonne. Chaque modèle de sa collection Coexist est inspiré de l’actualité politique et démographique, destiné à faire passer un message positif à travers le porteur. Diplômée de Fresnel en 1994, votre consœur est installée depuis près de 20 ans à Montpellier. Rencontre...

Acuité : Quelle est votre perception de l’optique ?

Carla Sfeir : La lunette est un outil d’expression personnalisé qui se doit de ressembler à celle ou celui qui la porte. C’est pour cela qu’après plusieurs années à mon compte en tant qu’opticienne j’ai décidé d’ouvrir mon propre atelier.

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Carla W. Sfeir a ouvert son atelier juste au-dessus de son magasin. Récemment, elle s’est entourée de 4 collaborateurs qu’elle a personnellement formés.

A. : Comment avez-vous démarré ?

C.S. : J’ai ouvert mon magasin créateur à Montpellier en 1998. Je travaillais alors des pièces uniques. Je faisais aussi des dessins et des créations pour une petite maison de lunetterie. En 2004, j’ai ouvert mon atelier. Et petit à petit, ma collection est née. Objectif : transformer la lunette en objet de communication.

A. : Quels sont les messages que vous faites passer à travers vos créations ?

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Monica Mariani, cantatrice italienne avec le modèle Orient Express.

C.S. : La collection Coexist s’inspire de mes clients mais aussi des évènements qui font l’actualité politique et démographique. Par exemple, le modèle Orient Express porte un regard sur toutes les mouvances politiques et les problèmes de migrants. La monture se compose d’arcades orientales au niveau du nez. De chaque côté, deux carrés asymétriques représentent la télévision et les messages différents passés par les médias. Enfin, 3 points de suspension sont gravés, pointant du doigt le caractère incertain de la situation. Ça veut dire aussi qu’elle aura une suite...

A. : D’où vient le nom de votre collection ?

C.S. : Coexist est un symbole pacifiste qui représente l'union des trois religions monothéistes. Les lunettes Coexist sont celle des êtres humains libres, qui osent aimer malgré les contraintes sociales et politiques imposées par une minorité de dirigeants de notre planète. A l’image du symbole, la collection est éclectique, sans aucune copie. Elle est aussi engagée car je reverse 7 euros par modèle vendu à Médecins Sans Frontière.

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La collection Coexist Eyewear reprend le symbole pacifiste représentant l'union des trois religions monothéistes.

A. : Où distribuez-vous vos créations ?

C.S. : Mes lunettes sont distribuées dans quelques boutiques créateurs et, en collaboration avec deux confrères (Optique Caroline Joo et L'Annexe Opticiens), j'ai deux showrooms sur Paris. Les montures se retrouvent aussi dans une centaine de magasins à travers le monde (Canada, USA, Belgique, Russie, Italie) mais je ne souhaite pas dépasser la capacité de production faite à la main.

Je fais aussi du sur-mesure, selon les envies, les besoins et l’exubérance des porteurs. Lenny Kravitz, Lio, Matthieu Chedid ou encore Gilbert Montagné m’ont déjà sollicité pour des lunettes de scène. Maintenant, je monte à Paris 2 jours par mois pour des rendez-vous particuliers. Le bouche à oreille fait boule de neige.

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Sur les lunettes de Gilbert Montagné, Carla W. Sfeir a gravé en braille les couleurs de chaque monture. L’artiste non-voyant peut ainsi les assortir facilement avec ses cravates et ses costumes.

A. : Quels sont vos projets à venir ?

C.S. : Dernièrement, j’ai été approchée par la maison Focus, spécialisée dans les cheminées haut de gamme, pour leur apporter une touche design. Je travaille aussi sur un jeu pour non-voyants et malentendants, une demande de Gilbert Montagné. Enfin, je souhaite surtout que Coexist continue à faire du tapage. Notre société a besoin de positif et d’atténuer la différence entre les gens.