"Les faits évoqués ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants pour étayer l’existence de pratiques qui auraient pour objet ou pour effet d’entraver le libre jeu de la concurrence", a fait savoir l'Autorité de la concurrence. Rappelons que cette dernière a été saisie en fin d'année 2015 par la Centrale des Opticiens (CDO) et deux opticiens indépendants qui dénonçaient les modalités de renouvellement du réseau, notamment l'offre Prysme.

Les pratiques reprochées

Plus concrètement, la CDO considère que "les conditions du référencement premium des verriers sont discriminatoires". Aussi, pour la centrale et les deux opticiens, FL2 (à Carignan) et Opti’bambins (au Mans), "la création avec l’offre Prysme d’un référencement préférentiel dans le référencement général, négocié de gré à gré et sans transparence, serait constitutive d’un abus de position dominante de la part de Carte Blanche ou d’une entente verticale restrictive de concurrence entre Carte Blanche et les opticiens membres du réseau et/ou les fournisseurs de verres".

Relativiser le poids des réseaux 

Des arguments que l'Autorité de la concurrence n'a pas retenue dans sa décision rendue le jeudi 9 juin. La raison ? "Même si les réseaux de soins jouent un rôle de plus en plus important sur les marchés concernés, il convient de relativiser leur poids". Les chiffres l'attestent: près de 48% des assurés ne bénéficient d’aucun réseau de soins et seuls 14% de l’ensemble des porteurs de lunettes utiliseraient les réseaux d’opticiens*.

Autre point mis en avant : "la prétendue captivité des bénéficiaires vis-à-vis de leur Ocam", car "les assurés individuels, qui représentent 57% des contrats, sont tout à fait libres de changer de complémentaire de santé à tout moment".

L'Autorité de la concurrence souligne également qu'"à partir du moment où les opticiens peuvent adhérer à plusieurs réseaux de soins, ils peuvent potentiellement accéder à la totalité de la clientèle"ou sont libres "d’adhérer ou non au réseau Carte Blanche sans que cela ne représente une condition indispensable à la réalisation de leur activité". Elle fait également savoir que le "poids de Carte Blanche sur le marché concerné est très relatif : 9,8% en nombre d’assurés et de 4% en termes de ventes d’optique par les membres du réseau. 

"Aucun élément laisse suspecter un possible effet anticoncurrentiel"

L’Autorité de la concurrence a jugé que la constitution de réseaux de soins "n’était pas une entente verticale", que la procédure de sélection des verriers s’est faite au moyen d’un dossier de candidature remis par le fournisseur à Carte Blanche et accepté ou non par la plateforme", et que "rien dans les critères de sélection des verres permettant de bénéficier de la majoration de 10 euros ne permet de considérer qu’ils sont discriminatoires puisque ceux-ci portent sur l’innovation technologique, la gamme de produits proposée, les services proposés aux opticiens et aux bénéficiaires". Quant à l’offre Prysme, "aucune clause de la convention conclue avec les opticiens ne peut être considérée comme ayant un objet anticoncurrentiel". 

En résumé, concernant le référencement premium et l'offre  Prysme, l'Autorité considère qu'"aucun élément probant laisse suspecter un possible effet anticoncurrentiel", soulignant que cette dernière représentera en 2016 au mieux 2% de parts de marché. Pour ces raisons, l'Autorité de concurrence, " a rejeté la saisine et la demande de mesures conservatoires" de la CDO et des opticiens indépendants.

"Aucune réponse à toutes les questions posées"

La Centrale des Opticiens (CDO) exprime sa déception, expliquant que l’Autorité n’a pas répondu à toutes les questions posées : "alors qu’était précisément dénoncée la conduite de négociations de gré à gré non transparentes entre Carte Blanche et certains verriers pour l’établissement de l’offre Prysme, en marge de l’appel d’offres général des verriers, la décision de l’Autorité ne comprend aucun développement sur ce point ; et alors qu’un opticien spécialisé pour enfants avait dénoncé son exclusion de fait et donc discriminatoire du réseau en raison de l’obligation de souscrire à l’offre Prysme pour y adhérer, offre qui ne comporte que des montures pour adultes, l’Autorité ne s’est pas non plus prononcée sur ce point".

La CDO réfléchit à l’opportunité de faire appel de cette décision de l’Autorité et fait savoir que la décision de l’Autorité "ne devra toutefois pas inciter les autres réseaux de soins à développer des pratiques similaires, sous peine vraisemblablement de générer de manière cumulative cette fois un effet sensible sur le marché".

Toutefois, l’action menée parallèlement par la centrale et les deux mêmes opticiens indépendants devant le Tribunal de Commerce  n’est pas remise en cause "afin de faire reconnaître le caractère illicite de l’offre Prysme sur le fondement des pratiques restrictives de concurrence qui ne nécessitent pas, elles, de démontrer l’existence d’un effet pour l’ensemble des opérateurs du marché".

" Nous avons gagné pour nos 6,5 millions de bénéficiaires"

Contacté par acuite.fr, Jean-François Tripodi, directeur général de Carte Blanche Partenaires, "est satisfait de la décision de l’Autorité de la concurrence". Et d’ajouter : " Nous avons gagné pour nos 6,5 millions de bénéficiaires qui peuvent profiter d’une offre de qualité sans reste à charge. Notre appel d’offres et notre façon de négocier avec les 3 verriers (Essilor, Zeiss, Nikon) a été reconnu par l’Autorité comme étant correcte. 

*Etude Ipsos de 2013