Nous avons interviewé Eric Plat, PDG d'Atol, concernant cette première étude scientifique sur les lunettes pour dyslexiques, Lexilens.

Mises au point en 2017 par la start-up Abeye incubée par Atol, les lunettes Lexilens ont été lauréates d'un Silmo d'Or en 2019 et sont commercialisées depuis 2020. Elles n'ont jusqu'à présent bénéficié uniquement d'études auprès des porteurs, mais leur efficacité n'a jamais été prouvée d'un point de vue scientifique. C'est aujourd'hui en bonne voie. 

 

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Éric Plat, PDG d'Atol

 

Acuité : Qu'apporte cette étude (auteurs, conclusion, détails, panel, durée etc) ?

Eric Plat : Abeye a récemment conduit une étude intermédiaire menée par l’Institut de la Vision, laboratoire indépendant, auprès d’un panel de 35 enfants dyslexiques équipés de Lexilens, sur une période d’un mois.

Les résultats montrent un gain significatif de +7 % en vitesse de lecture sur les premières lignes de texte, soit +11 mots/min en moyenne, après une utilisation d’un mois, les enfants ont déclaré avoir porté les lunettes environ deux heures par jour, à l’école comme à la maison.

Au-delà des chiffres, l’étude révèle un taux de satisfaction élevé : 86 % des enfants se disent satisfaits ou très satisfaits, et 97 % des familles recommanderaient Lexilens.

Cela dit, nous restons lucides sur les limites du protocole : taille de l’échantillon, usage modéré, et certains biais liés à la nature des tests. Ces éléments nous poussent aujourd’hui à concevoir une étude complémentaire avec un protocole mieux calibré.

AC : En quoi cette étude est-elle importante pour le groupe Atol ?

E. P. : Cette étude est essentielle car elle permet de recueillir de nouveaux retours du terrain, de mieux comprendre l’usage de Lexilens au quotidien, et d’alimenter une démarche d’amélioration continue. Elle s’inscrit dans notre mission de rendre accessibles des solutions innovantes pour mieux voir et mieux vivre.

AC : Quand a-t-elle été publiée dans une revue scientifique pour être validée par ses pairs ?

E. P. : Les résultats viennent tout juste de nous êtes communiqués. À ce stade, l’étude n’a donc pas fait l’objet d’une publication scientifique formelle.

AC : Que changerait concrètement cette validation scientifique ?

E. P. : Une validation scientifique permettrait d’accroître la reconnaissance de la technologie dans le parcours de soin et de favoriser, à terme, une possible prise en charge institutionnelle. Ce serait une étape importante, car nous pensons en premier lieu aux utilisateurs, enfants. Atol tient à préciser que la marque n’a jamais enregistré de bénéfice sur les ventes de Lexilens.

Pour autant, notre priorité reste d’écouter les utilisateurs : leur ressenti, leur satisfaction, leur expérience au quotidien, qui constituent un indicateur complémentaire précieux, en particulier dans les phases amont de validation.

AC : Que répondez-vous à vos détracteurs qui remettent en cause l’efficacité de la technologie Lexilens ?

E. P. : Nous sommes conscients que la recherche scientifique avance par débats et controverses. En tant que distributeur, nous ne prenons pas position et nous concentrons sur la satisfaction des utilisateurs, dans le respect des cadres légaux et réglementaires, en lien avec nos partenaires technologiques, médicaux et scientifiques.

À ce titre, nous avons connaissance d'études en contradiction avec ce que nous observons sur le terrain. Ce qui est normal à ce stade du développement scientifique sur le sujet.

Les retours utilisateurs de Lexilens dans le monde nous confirment cependant que Lexilens peut apporter une aide concrète à certaines personnes dyslexiques. Ce simple constat est aligné avec notre mission : bien voir, bien-être : 9 utilisateurs sur 10 déclarent un changement significatif dans leur vie, à l’école comme au travail. Ce chiffre nous a été confirmé à 2 reprises par l'institut Ipsos qui a interrogé nos utilisateurs en janvier 2022 et janvier 2023.

Il est établi que la dyslexie n’est pas un problème visuel, ou plutôt « de vue ». Le fait que Lexilens ressemble à une paire de lunettes prête à confusion : il ne s’agit pas de verres correcteurs, mais d’un dispositif agissant sur le traitement visuel cérébral, sans modifier la vue elle-même, à notre connaissance, la première lunette au monde à faire cela. En supprimant instantanément l’encombrement « visionnel » interne, elle permet à certains enfants de traiter plus facilement les informations neuro-visuelles et de s’engager dans un apprentissage de la lecture dans de meilleures conditions. Cette approche dite "visionnelle" n’est pas incompatible avec le consensus scientifique actuel. Au contraire, elle en constitue un prolongement possible : l’approche multimodale adoptée dans un article récent de Brain Sciences illustre précisément que les facteurs neuro-visuels et attentionnels peuvent coexister avec les facteurs langagiers déjà identifiés dans la dyslexie.

Lexilens ne prétend pas « guérir » la dyslexie. Il vise à lever un frein identifié, pour faciliter les premiers pas dans l’apprentissage. Le reste – rattrapage, rééducation, progression – doit être accompli dans la durée.

AC :  Cette étude pourrait-elle convaincre les pouvoirs publics d’envisager une prise en charge Sécu ?

E. P. : Il appartiendra aux pouvoirs publics d’évaluer la technologie dans le cadre de leurs critères propres, qui incluent notamment la validation scientifique et l’impact socio-économique. Nous sommes ouverts à la discussion, dans un esprit constructif.

Atol et Abeye ont proposé à toutes les parties prenantes – y compris les plus critiques - d’expérimenter Lexilens dans un cadre contrôlé. À ce jour, aucun n’a donné suite.

AC : Depuis son lancement, combien d’unités ont été vendues et quel est le retour des utilisateurs ?

E. P. : Lexilens a été adopté par plus de 5 000 utilisateurs dans plus de 40 pays depuis son lancement. Les retours recueillis par l'institut Ipsos montrent que 9 personnes sur 10 estiment que les lunettes ont constaté un impact positif, en particulier dans des contextes scolaires et professionnels.

Les professionnels de santé qui connaissent bien la solution, et qui la recommandent dans un cadre approprié, rapportent également des améliorations. Il ne s’agit pas d’un outil miracle, mais d’une aide potentielle complémentaire salués par des enseignants qui observent des progrès dans les résultats scolaires de leurs élèves.