Une première. Neuralink, la start-up américaine cofondée par Elon Musk qui développe des implants cérébraux a annoncé avoir posé avec succès la première puce cérébrale sur un patient humain.

Contrôler les objets électroniques par la pensée, permettre aux personnes paralysées de retrouver l'usage de leurs membres, redonner la vue aux aveugles... Les déclarations d'Elon Musk au sujet des puces cérébrales développées par Neuralink sont nombreuses et dithyrambiques. Mais qu'en est-il vraiment ?

Rendre la vue

En novembre 2023 sur X (anciennement Twitter), l'entrepreneur américain a répondu à un père demandant de l'aide au sujet de la cécité de son fils de 14 ans :

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« C'est une maigre consolation, mais Neuralink travaille sur une puce pour la vision qui sera prête dans quelques années. C'est le prochain domaine de recherche après la mise en place de la connexion aux smartphones et ordinateurs pour les personnes ayant perdu leur autonomie. Nous attendons l'autorisation légale pour un essai sur le premier être humain ».

Autorisation que l'entreprise de neurotechnologie a reçu de l'autorité sanitaire américaine, la FDA (food and drug administration) en mai dernier pour effectuer des essais cliniques sur les êtres humains, après de nombreux tests sur les animaux*.

Mais comment une puce électronique pourrait-elle permettre de rendre la vision ?

Un dispositif complexe et invasif

En réalité, il ne s'agit pas de réparer le système visuel mais de générer une image directement dans le cerveau.

Le robot chirugical Neuralink qui implante la puce cérébrale connecte 64 microfils souples, plus fins qu’un cheveu, à la surface du cerveau. Couverts de 16 électrodes chacun (1.024 au total), ces filaments sont capables de décoder les signaux neuronaux ou de stimuler certaines zones cérébrales.

L'utilisateur devrait porter une caméra numérique de type GoPro, qui transmettrait sans fil un flux visuel en direct via Bluetooth sur un smartphone qui lui-même convertirait ces données en un signal neuronal renvoyé dans la puce Neuralink. La puce transmettrait ensuite ce signal neuronal au cerveau, qui décoderait l'information et générerait une image.

Un futur pas si proche

Plusieurs obstacles restent à franchir. Et en premier lieu, la compréhension que nous avons du traitement visuel de l'information par notre cerveau. Bien que Neuralink étudie les signaux émis et reçus par le cortex visuel, les processus cognitifs complexes restent difficile à appréhender. Lignes, contours, formes... Il est raisonnable de penser que la vision promise sera rudimentaire dans un premier temps.

Sans parler de toutes les questions éthiques, législatives, et de santé qu'un tel implant peut poser, en plus de potentiels problèmes de rejets et de réactions immunitaires, voire d'infections. En plus des 40 000 dollars nécessaires à l'opération.

Des cobayes humains ?

Le premier patient humain - dont la puce a été greffé dans une région du cerveau qui contrôle les mouvements - se porte bien et serait capable de déplacer le curseur d'une souris d'ordinateur à l'aide de son implant, selon Elon Musk qui s'est exprimé sur X récemment. Mais doit-on s'inquiéter des essais sur les humains ?

Rappelons que d'après Reuters, 1 500 animaux (singes, cochons, moutons, rongeurs, etc.) seraient morts depuis le début des expérimentations en 2018.

Un comité d’éthique a exhorté, le 20 septembre 2023 dans un courrier les hauts responsables de la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine (équivalent de notre Autorité des marchés financiers) à enquêter sur les dessous des recherches de Neuralink. Sur la base des dossiers vétérinaires, ils affirment que des complications liées aux procédures d’implantation ont conduit à de nombreuses souffrances animales. Neuralink est d'ailleurs visée par plusieurs enquêtes des autorités américaines, notamment pour maltraitance animale.

 

 

*En 2021, Neuralink a dévoilé une vidéo d'un singe jouant au jeu vidéo Pong « avec son esprit », dans laquelle un macaque nommé Pager interragit avec l'écran grâce à la puce qui fait office d'interface cerveau-machine.

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Le macaque Pager « joue à Pong » par la pensée, sans manette ni clavier. @Neuralink