Le colloque Basse Vision d'Optic 2000, organisé en partenariat avec Essilor et Transitions Optical, vient de se terminer cet après-midi à Zarzis en Tunisie. La deuxième partie de cette rencontre, largement consacrée aux avancées technico-médicales pour les malvoyants, a été marquée par l'intervention du Professeur José-Alain Sahel, Directeur de l'Institut de la Vision, Directeur de Recherche à l'Inserm et parrain du colloque. "La Basse Vision concerne 50 millions de personnes aux Etats-Unis et en Europe, et ce chiffre doublera dans les 15 ans à venir" a-t-il rappelé.

Une rétine artificielle pour se repérer dans l'espace

Le Directeur de l'Institut de la Vision a présenté les travaux que ses équipes mènent, en partenariat avec des chercheurs américains et allemands, pour le développement d'une rétine artificielle. Cette micro-prothèse porteuse d'électrodes émet des stimulations électriques sous l'effet de la lumière pour stimuler le nerf optique et les aires visuelles du cerveau. "A ce jour, 30 patients atteints de rétinite pigmentaire ont été implantés d'une puce dotée de 60 électrodes. Ces personnes possédaient une vague perception lumineuse et avaient une expérience de vision utile par le passé. Les trois premiers sujets implantés à Paris commencent à reconnaître des lettres de grande taille et à trouver une porte. Encore plus intéressant, l'un d'eux parvient à suivre une ligne blanche tracée au sol, avec des droites, des courbes, et à s'arrêter lorsque la ligne prend fin" explique le Pr. Sahel.
Un des défis que doit relever aujourd'hui le projet de rétine artificielle est l'augmentation du nombre d'électrodes. "Dans les cas de rétinite pigmentaire, le malvoyant conserve une vision utile si l'on parvient à garder la moitié des cônes, ce qui correspond à une définition de 300 à 600 pixels. Il nous faudrait donc une puce composée de 300 à 600 électrodes pour obtenir une vision utile".

Des lunettes à réalité augmentée pour compenser les pertes de vision périphérique ou centrale

Le consortium Descartes travaille, à l'Institut de la Vision, à l'élaboration de nouvelles aides visuelles pour les malvoyants. A l'occasion du colloque Optic 2000, Thierry Villette, à la tête de ce consortium et Directeur R&D neurobio-sensoriel d'Essilor International, a ainsi décrit les recherches visant à concevoir des lunettes à réalité augmentée pour les déficients visuels. "Il s'agit de lunettes informatives, qui conservent la fonction ophtalmique du verre. Une mini-caméra intégrée à la monture capte l'image. Celle-ci est traitée en temps réel par un PC ultraportable, puis projetée sur la rétine en transparence avec la scène naturelle. Cette projection est réalisée par un système optique de quelques millimètres encapsulé dans le verre ophtalmique. La taille de l'image correspond à celle d'un écran de 80 pouces observé à une distance de 4 mètres" explique Thierry Villette.

Ce produit pourra compenser les pertes de vision périphérique (glaucome ou dystrophies rétiniennes) et les pertes de vision centrale (DMLA) : dans ces deux cas, l'image sera projetée dans la zone de vision intacte du malvoyant. Ces lunettes seront d'abord conçues pour des activités statiques (lecture, écriture...), avant la mise au point d'une version nomade. Une première commercialisation sera envisagée à partir de 2012, en fonction des résultats d'investigations cliniques qui démarreront en 2010.
Selon Essilor, ce nouveau type d'aides visuelles a un beau potentiel. "Seuls 5% des malvoyants européens sont équipés convenablement. Si le marché de la Basse Vision ne se développe pas, c'est aussi par manque de 'high-tech'" estime Thierry Villette. "Il existe un potentiel extraordinaire au niveau des innovations techniques" renchérit Eric Léonard, Directeur Général d'Essilor France.

Ne pas négliger le travail des associations

Le colloque Basse Vision a été conclu par Jean-Jacques Frayssinet, Président de Retina France, qui a rappelé le rôle majeur des associations en matière de Basse Vision. "Il faut inciter les déficients visuels à les rejoindre, pour rompre leur isolement. Au sein de Retina, nous leur offrons plusieurs services comme la ligne Info Retina, disponible toute la journée, le journal Le Retino ou encore des rencontres avec des opticiens et des fabricants dans toute la France. Il faut faire parler de ces associations dans les médias, alerter les pouvoirs publics et les professionnels sur le sujet" insiste-t-il.

Rappelons que le colloque Basse Vision Optic 2000 s'est déroulé parallèlement à l'opération "Des lunettes pour les enfants des sables", qui a pour objectif d'équiper les enfants du sud tunisen. Acuité vous présentera dans les heures qui viennent une photothèque complète pour découvrir en image les moments forts de cette rencontre.

Voir aussi notre émission télévisée : "Les systèmes de vision futuristes pour les malvoyants", avec le Pr. Sahel, Thierry Villette et Didier Papaz


Le Pr. Sahel (à gauche) a présenté ses travaux sur la rétine artificielle, tandis que Thierry Villette (à droite) a décrit les lunettes à réalité augmentée développées par Essilor