La question de la pénurie d’ordonnances a été posée par la quasi-totalité des enseignes que nous avons interrogées. Si la reprise est encourageante voire plus forte que prévue dans les magasins, difficile d’estimer le niveau d’ordonnances après l’été. Depuis le 11 mai, seuls 2/3 des ophtalmologistes ont repris une activité entre 60% et 100%*, soit une estimation d'un peu plus de 50% des consultations. Ces 50% manquants depuis la reprise s’additionnent aux 2 mois de pénurie d’ordonnances liées au confinement.

Une enquête menée par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof) auprès de 890 ophtalmologistes exerçant dans toute la France*, montre que « pendant le confinement, de nombreux patients n'ont pas consulté leur ophtalmologiste, ce qui provoque aujourd’hui une reprise d’activité dynamique dans un contexte économique toutefois dégradé pour les cabinets », déclare Thierry Bour, président du Snof. Si la reprise se déroule dans les meilleures conditions sanitaires, « elle ne rassure pas la profession, qui s’attend à subir des conséquences économiques importantes » : 91% des ophtalmologistes évaluent une baisse de leur chiffre d’affaires en 2020 par rapport à celui de l’année dernière. Pire, 58% l’estiment très inférieur par rapport à l’année précédente.

Des délais de rendez-vous plus importants 

Alors que l’activité des praticiens avait baissé d’au moins 95% durant le confinement, la filière connaît aujourd’hui une reprise partielle qui devrait se poursuivre dans les semaines à venir : 77% des répondants estiment qu’ils retrouveront plus de 60% de leur activité de référence dans les 15 jours à venir et 41% plus de 80%.

Quid des délais d’attente ? Face à la hausse de la fréquentation, 30% des ophtalmologistes considèrent que leurs délais de rendez-vous sont plus importants qu’avant le confinement. A contrario, et dans les régions les plus touchées par le Covid-19, ils seraient plutôt en diminution, selon l’enquête du Snof.

Dans ce contexte, pour accueillir le maximum de patients, les cabinets misent « sur la collaboration ». 70% des ophtalmologistes déclarent travailler avec une équipe au complet : secrétaire, orthoptiste… Résultat : 59% des praticiens peuvent répondre à tous les types de demande de consultation. Certains cabinets (41%) sont néanmoins contraints de privilégier les consultations les plus urgentes, les patients chroniques, notamment ceux instables, les patients qui n’ont pas pu consulter pendant la période de confinement et ceux adressés par un confrère.

Anticiper l'après crise : quelles mesures pour accompagner la filière visuelle ?

La formation et le travail aidé sont les axes prioritaires pour l’avenir de la profession. Ainsi, pour près de 70% des ophtalmologistes, il est important voire essentiel de poursuivre le développement de l’équipe d’orthoptistes et d’assistants médicaux autour de l’ophtalmologiste, via le travail aidé.

En revanche, 90% des praticiens pensent qu’il est inutile ou peu important de renforcer la délégation de tâche avec les opticiens. Pourtant selon une enquête menée par Ipsos pour le Rassemblement des opticiens de France (Rof) auprès de plus de 5 000 Français, 3/4 des répondants ont confiance en leur opticien pour réaliser des actes autres que la vente d’équipements optiques. Ainsi, 91% des personnes interrogées sont favorables à déléguer certaines tâches réalisées aujourd’hui par les ophtalmologistes, notamment le contrôle de la vue. Et ce type de contrôle, est une des solutions pour désengorger les cabinets.

Quant à l’utilisation de logiciels d’intelligence artificielle qui pourrait être une autre alternative à libérer du temps médical : elle divise un peu plus. 28% des praticiens jugent la question importante pour l’avenir de la filière, contre 44% peu importante voire inutile. Enfin, la création de protocoles de téléexpertises avec les opticiens ne convainc que 6% des répondants.

*Enquête Snof menée par questionnaire en ligne auprès de 890 ophtalmologistes libéraux, du 25 mai au 2 juin 2020.