Fin mars, France 5 a diffusé un documentaire sur notre secteur intitulé « Lunettes, juste une mise au point ». La journaliste Mélanie van der Ende a notamment suivi Paul Morlet, fondateur de Lunettes pour Tous (« LPT ») à Danyang, une ville située au nord de Shanghai en Chine et a visité une usine de fabrication de lunettes, qui crée la polémique.

Info… ou intox ?

A 20 minutes et 36 secondes, le reportage montre une usine où l’enseigne Alain Afflelou produirait ses montures en acétate. Un site de production où se fournirait également LPT. « Quand la journaliste m'a présenté les images, je n'ai pas reconnu l’usine, j'ai démenti et expliqué que nous n’avions pas d’usine d’assemblage à Danyang. Mes propos ont été coupés au montage et n'ont pas été restitués », s'insurge, Frédéric Poux, président du directoire d'Alain Afflelou, interrogé par acuite.fr. Mélanie van der Ende, la journaliste de France 5 dément de son côté avoir voulu faire une émission à charge et indique avoir laissé la séquence dans son ensemble. « Une émission de plus dans laquelle les opticiens sont considérés comme des voleurs », commente Frédéric Poux qui a envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception à France 5 pour dénoncer le ton du reportage.

« Une usine de contrefaçon »

N’ayant pas reconnu le site de production, le dirigeant de l’enseigne Alain Afflelou a décidé de mener une contre-enquête. « Mais la journaliste a refusé de nous donner l’adresse du site. Mes équipes ont donc décrypté image par image le reportage pour repérer la rue et le numéro du bâtiment. Ils ont retrouvé le site. Sur place, ils ont découvert que l’atelier était totalement désaffecté et vide de tout moyen de production. Il n'y avait plus d’installation de machines, ni d'ouvriers. Et nous nous sommes rendus compte que cet atelier fabriquait semble-t-il des contrefaçons », nous a-t-il expliqué. 

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Un process de fabrication qui n’est pas respecté 

Autre point qui suscite la controverse, une paire de lunette repérée par Paul Morlet comme étant une monture de la marque Afflelou. « Déjà il faut être fort pour reconnaître, à au moins 5 m de distance, un de nos modèles, en cours de fabrication », ironise Frédéric Poux.

Mais pour l’enseigne, il s'agit clairement « d'une contrefaçon ». La preuve ? « La branche ne présente pas le logo de la griffe Afflelou qui est toujours ajoutée avant l’assemblage ».

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Interrogé sur le sujet, Paul Morlet rétorque : « Sur la lunette que j’avais dans les mains, le logo n’avait pas encore été placé. Une pièce du moule prévoit son emplacement à l’étape suivante ».  Quant à la journaliste de France 5, elle affirme : «  On ne m’a pas dit que ces lunettes étaient des contrefaçons lors de l’interview, sinon j’aurais gardé ce passage ».

Au regard de cette contre-enquête menée sur place,  Frédéric Poux nous a dit avec véhémence : « Je veux rétablir la vérité sur les propos de ce reportage et de façon générale sur tous les médias qui prennent les opticiens pour cible et traitent notre profession de voleurs, sans vérifier la totalité des informations ». Pour le président du directoire d’Alain Afflelou, les contre-vérités doivent cesser : « je veux rétablir la vérité et mes, nos, vérités sont bonnes à dire », conclut-il avec forte conviction.  

LPT ne détient pas 2% du marché…les explications

A l’occasion du salon e-marketing qui s’est tenu dernièrement à Paris et relayé par La Revue du Digital, le même Paul Morlet, a déclaré que LPT détenait « 2% du marché ». Étonné par ces chiffres, Acuité a re-questionné le fondateur qui nous a confirmé: « Oui, nous avons 2% du marché, en volume ». 

Vérification 

Prenons l’hypothèse que le magasin parisien LPT vendrait de l’ordre de 250 montures par jour. En estimant que le magasin est ouvert 6 jours et 50 semaines par an, on arrive à une quantité approximative de 75 000 lunettes vendues à Paris. Avec le magasin de Lyon et les corners d’environ 8 m² dans des centres commerciaux à Marseille et à Nîmes ouverts en 2016, on pourrait estimer que LPT vend au maximum 150 000 montures par an.

Ramené aux 12,7 millions de lunettes vendues par an en France (source Cnamts) et non pas aux 6 millions annoncés par Paul Morlet, LPT aurait donc environ 1 % du marché en volume et non les 2% annoncés. 

Frédéric Poux, interrogé par Acuité sur cet écart, souligne l’erreur de calcul de Paul Morlet et demande aux journalistes de « vérifier leurs sources avant de discréditer toute une profession ». Et d’ajouter : « nous devons prendre position chaque fois que notre secteur est la cible d’attaque non justifiée, et j’invite mes confrères à faire pareil. Arrêtons d’être manipulés ».