La Mutualité Française se positionne en fédérateur et organise le 15 décembre prochain les « premiers Etats généraux de la santé visuelle ». L’évènement rassemblera les professionnels de la filière (opticiens, ophtalmologues, optométristes, associations de patients, industriels, complémentaires santé et réseaux de soins) « afin de réfléchir à des solutions viables pour améliorer la prise en charge des patients tout en maîtrisant l’inflation des coûts ». Pour soutenir cette démarche, le cabinet d’analyses économiques et de conseils Asterès* a réalisé un état des lieux de la filière. Le document, disponible ci-contre, devrait servir de base de travail à la Mutualité Française. Les premiers ateliers préparatoires doivent avoir lieu la semaine prochaine.

« 3 déficiences majeures impactent l’accessibilité aux soins »

Aussi, selon cette étude, la filière souffre de trois déficiences majeures qui impactent l’accessibilité aux soins :

  1. « Un Français sur dix renonce à des soins optiques », écrivent ses auteurs en expliquant que « le déficit d’information est de loin la première cause de ce phénomène ». « Les opticiens sont dans l’obligation de proposer au moins une paire de lunettes à un prix inférieur au plafond du remboursement de la CMU-C (soit entre 55 et 195 euros suivant la complexité des verres), (...) mais de manière générale les Français sont insuffisamment informés sur les aides, sur les modalités de prise en charge par les assurances publiques et privées, ainsi que sur les offres à bas prix », affirme le rapport.
  2. La filière souffre d’une pénurie croissante d’ophtalmologistes dans de nombreux territoires. Asterès note notamment « des délais d’attente particulièrement longs, souvent de plusieurs mois » et « une hausse soutenue des dépassements d’honoraires »
  3. Enfin, ce sont une nouvelle fois les « prix élevés en matière d’optiques » qui sont mis en cause. « Fortement atomisé, le secteur des opticiens-lunetiers subit une inefficience collective : diluée sur un grand nombre d’offreurs, la demande se traduit par une moyenne de seulement trois ventes de lunettes par jour ouvré et par magasin, ce qui oblige chaque établissement à pratiquer des prix élevés pour demeurer rentable, affirme l’étude. Les mécanismes de régulation des prix par la concurrence sont quasiment inopérants car : les consommateurs sont détachés du niveau des prix du fait de leur couverture assurantielle et (...) il est difficile pour eux de comparer les offres de différents opticiens ».

« Les complémentaires santé sont légitimes pour endosser un rôle déterminant de régulation des dépenses »

Pour le cabinet, « en conséquence de ces inefficiences, les ménages paient leur santé plus chère. Les dépassements d’honoraires et le coût élevé des optiques se traduisent par des restes à charge plus élevés et par une revalorisation induite des primes d’assurance ». Aussi, « le besoin de réguler la filière est de plus en plus pressant » car « sous l’effet, entre autres, de la croissance et du vieillissement de la population, la demande de soins oculaires croît fortement ». Si la situation reste inchangé, ses auteurs estiment que « les délais d’attente et les coûts des soins deviendront de plus en plus contraignants pour les ménages ».

Et pour répondre à ces problématiques, c’est sans surprise vers les complémentaires santé que l’étude se tourne : « supportant une part importante du financement », elles « sont légitimes pour endosser un rôle déterminant de régulation des dépenses qui leur incombent, explique le rapport. Les mutuelles ont d’ores et déjà pu s’affirmer dans la régulation des dépenses d’optique en constituant des réseaux conventionnés d’opticiens. D’une position de « payeurs aveugles » à faible valeur ajoutée, elles doivent endosser une position plus affirmée de « payeurs régulateurs » à forte valeur ajoutée », soutient Asterès.

Premières réactions syndicales

Sans attendre, les premières réactions ont fusé ce matin sur les réseaux sociaux. Le Dr. Jean-Bernard Rottier, vice-président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof), estime qu’ « il y a trop d'erreurs factuelles » et que ce rapport fait « l'apologie de l'optométrie ». « Le but des #EGSV (Etats généraux de la santé visuelle, ndlr) est de valider l'optométrie ... mais le rapport Asterès est bourré d'erreurs », insiste-t-il sur Twitter.

L’étude consacre en effet quelques paragraphes aux optométristes mais aussi plusieurs pages sur les modèles de filière mis en place à l’étranger, comme en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Leurs stratégies : « intégrer davantage les optométristes et les opticiens dans le parcours de soins en leur déléguant les examens routiniers afin que les ophtalmologistes se recentrent sur le traitement des pathologies les plus graves et particulièrement la chirurgie de l’œil », expliquent les auteurs. « Ce rapport permet de rééquilibrer celui de l'Igas concernant l'optométrie », estime alors Yannick Dyant, président de l’Association des Optométristes de France (AOF).

*Cette étude qui n’engage que cette société s’appuie sur les toutes dernières statistiques disponibles, ainsi que sur des entretiens auprès de professionnels de la filière.