Après vous avoir donné ce mercredi 20 mai l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) sur la question de la transmission des codes LPP aux Ocam, nous avons interrogé les 3 syndicats (Rof, Synom et Fnof). Comment interprètent-ils ce courrier ? Quelles seront les prochaines étapes ? Tour d’horizon

balbi.pngAndré Balbi, président du Rassemblement des opticiens de France (Rof)

« Nous sommes satisfaits de ce courrier : les points développés lors de notre audition ont été entendus par la Cnil. Le premier porte sur la sensibilité des données de santé qui se rapportent au secret médical. 

Concernant le principe de minimisation de collecte des données posé dans le cadre du RGPD et le panier 100% Santé, la Commission nous rejoint. Nos interrogations étaient également légitimes sur les prises en charge en dehors du panier 100% Santé. Il ne ressort pas sur quel fondement les Ocam pouvaient recevoir ces données, notamment sur la partie secret médical.

« Les Ocam devront se mettent en conformité »

D’une manière plus globale, l’avis de la Cnil s’inscrit dans la lignée de celui de la DGCCRF et même le renforce. Les complémentaires devront désormais se mettre en conformité et changer leurs pratiques. Dans 95% des cas, elles peuvent régler leurs garanties avec les codes regroupés sans avoir accès à la correction et aux codes LPP détaillés. Le seul point qui pose problème : ce sont les garanties médicalisées (remboursement via la puissance dioptrique du verre). Mais elles ne concernent que quelques contrats. Par conséquent, il me semble plus facile de mettre en conformité les garanties que de modifier le cadre normatif.

« Ouvrons les discussions »

En conclusion, nous suivons l'avis de la Cnil, mais il urgent qu'une concertation ait lieu entre le ministère, les professionnels de santé et les Ocam. Nous sommes prêts à le faire, ouvrons les discussions. Le problème aujourd’hui ne concerne pas les opticiens. Ces derniers sont en conformité en termes de devis et de facturation. »

veroniquesynom.pngVéronique Bazillaud, déléguée générale Synom/Synam

« Pour nous, ce courrier est une réponse de la Cnil à la Cnam. La Commission explique à cette dernière son champ d’action vis-à-vis des complémentaires. Nous sommes ainsi en dehors du cadre du tiers payant. Dans le cadre du RPGD, il y a une règle de l’exception du droit d’utilisation des données, qui permet à la Cnam de communiquer aux Ocam de façon dérogatoire. La Cnam doit ainsi respecter les règles de minimisation et de consentement. Or, la Sécurité sociale ne recueille pas aujourd’hui l’accord du patient.

« Les opticiens doivent être associés aux réflexions »

Néanmoins, dans ce courrier, la Cnil évoque le devis et le consentement du patient. Pour ces raisons, dans le cadre du tiers payant, les opticiens doivent être associés aux réflexions sur la mise en œuvre du dispositif. Et se pose effectivement la question de ce qu’ils doivent envoyer aux Ocam. En outre, nous serons très vigilants à ne pas briser la dynamique actuelle avec l’Opto AMC, les échanges automatiques de flux… au bénéfice du client. »

gerbel.pngAlain Gerbel, président de la Fédération nationale des opticiens de France (Fnof)

« La lecture combinée de l’article 9 du RGPD et particulièrement l’article 2.b ainsi que la décision de la Cnil posent les bases de la transmission des données personnelles de santé en optique et notamment des codes détaillés.

Pour le 100% Santé, ces codes détaillés ne sont pas utiles. Les codes de regroupement sont donc suffisants. Ils seront néanmoins légèrement modifiés. Pour le panier B, la Cnil précise qu’elle ne comprend pas l’utilité de leur transmission. Les 2 options envisagées dans le courrier ne correspondent pas au texte et se retrouveraient en infraction avec le code de la santé publique sur le secret médical.

« Il faudra une loi de portée générale »

Par conséquent, si les Ocam souhaitent autre chose que les codes de regroupement sur le panier B, il faudra une loi de portée générale. Elle aura pour objectif principal de définir les données, qui doivent être transmises, dans quelles conditions ainsi que le responsable de traitement.

« Toutes les demandes des codes LPP détaillés sont illégales »

Par la suite, en fonction de ces éléments, il faudra modifier ou non le code de la santé publique concernant le secret médical. Dans l’attente de cette loi, la transmission des codes détaillés est interdite ainsi que l’ordonnance. Les opticiens, qui transmettent ces codes sont hors-la-loi. Ils peuvent même être sanctionnés par une amende et dans un second temps au pénal. L’amende peut aller jusqu’à 10% du chiffre d’affaires réalisé et au pénal, les peines vont jusqu’à 450 000 euros et 5 ans de prison.»