À l’approche de son examen en séance publique le 13 janvier, l’article 5 du projet de loi antifraude continue d’alimenter les tensions. Ce dispositif, qui doit sécuriser l’échange de données entre Assurance maladie et organismes complémentaires (OCAM), a été largement amendé en commission. Une situation que les fédérations de complémentaires attribuent notamment au lobbying de la Fédération nationale des opticiens de France (Fnof).
Dans un courrier adressé début décembre aux ministres de la Santé et des Comptes publics, le CTIP, France Assureurs et la Mutualité Française dénoncent une « désinformation coupable ». Selon elles, la Fnof agiterait le spectre d’une collecte massive de données ou d’une intrusion dans les protocoles de soins, alors que la Cnil a validé le dispositif et que les données concernées ne relèveraient pas du champ médical. Pour les OCAM, il y a urgence : plus de 4 milliards d’euros de fraude pèseraient sur l’Assurance maladie.
Une lecture contestée par les opticiens
Interrogé par Acuité, Hugues Verdier Davioud, président de la Fnof, se dit « étonné de l’émoi » suscité par les amendements déposés : « La Fédération ne bloque rien. Nous voulons simplement sécuriser les pratiques des uns et des autres dans le respect du droit. » Il rappelle que la Fnof n’est « pas opposée » à l’accès des complémentaires à certaines données, mais souhaite « préciser le cadre des échanges : quels documents, à quel moment, et dans quelles finalités ».
Pour le président de la Fnof, la réaction des assureurs traduit une « forme de fébrilité ». Et d’ajouter : « Quand on est sûr de son bon droit, on n’est pas fébrile. Si nos questions dénaturent le texte, c’est peut-être que ce texte posait déjà question. » Il souligne également que d’autres acteurs — notamment le Conseil national de l’Ordre des médecins — ont déposé des amendements similaires : « Si nos questions n’étaient pas légitimes, aucun député ne s’en serait saisi. »
Mauvais timing en plein PLFSS
Hugues Verdier Davioud critique aussi une procédure menée « dans la précipitation », dans un contexte parlementaire saturé par le PLFSS et le PLF : « Pourquoi ne pas prendre le temps et revoir le texte en janvier ? D’autant que les professionnels de santé n’ont pas été consultés. » Enfin, le président souligne que la Fnof a développé depuis deux ans une solution blockchain « qui répond à tous les besoins des complémentaires et sécurise entièrement les flux ». Une technologie, dit-il, que les Ocam « refusent pourtant d’utiliser », ce qui interroge « sur la cohérence de leur discours autour de la lutte contre la fraude ».
En commission, plusieurs garde-fous ont été ajoutés : recours à des codes regroupés, accès limité aux médecins-conseils des complémentaires, exclusions concernant les données cliniques, interdiction d’usages commerciaux ou tarifaires, information renforcée des assurés. Le débat promet de rester électrique jusqu’à la séance publique.
