Yves Pouliquen, spécialiste réputé de chirurgie ophtalmologique, est décédé à l'âge de 88 ans. C'est ce qu'a annoncé hier, 6 février, l'Académie française. Après des études en mathématiques qu’il a abandonnées au profit de la médecine, il s'est spécialisé en ophtalmologie en 1963.
Homme de sciences (membre de l’Académie de médecine en 1992) et homme de lettres (membre de l'Académie française en 2001 au fauteuil de Louis Leprince-Ringuet), éminent ophtalmologiste, spécialiste de l'opération de la cataracte en des temps ou une sur deux était vouée à l'échec. Il avait rappelé récemment encore que la cataracte « ...reste une des causes majeures de la cécité dans le monde ».
En 2004 il déclarait à Acuité lors d'une journée de dépistage du glaucome : « l'individu doit avoir conscience de ce qui est préjudiciable pour sa santé. Nous vivons de plus en plus longtemps, autant voir bien ». C'était un militant pour le « droit à la vue ».
« Les opticiens sont meilleurs que moi en réfraction »
Yves Pouliquen avait la qualité de la modestie. Il a accompli son métier avec des principes d’une extrême simplicité, qu'il appliquait dans son exercice au quotidien. Il témoignait d’une activité intense, sans relâche.
Il appréciait travailler en complémentarité avec les opticiens qu'il respectait pour leurs compétences en réfraction, pour leurs capacités d'équipements en lentilles ou en basse vision.
Il nous avait déclaré un jour : « les opticiens sont meilleurs que moi en réfraction. D'ailleurs, quand j'ai des cas difficiles, je leur envoie ». Il était très proche des opticiens Pierre Rocher, qu'il considérait comme un des maîtres de la contactologie, et Jean Pierre Bonnac.
Yves Pouliquen était Président du comité scientifique de l'Asnav (Association nationale pour l'amélioration de la Vue). Il a aussi mené un certain nombre d'actions en optique en participant à des congrès et colloques dont la présidence en 2001 sur la vision de l'enfant.
Une vingtaine d'ouvrages à son actif
En parallèle, il a écrit une vingtaine d'ouvrages sur l'ophtalmologie, publiés par les éditions Odile Jacob. Son dernier livre, Les Immortels et la Révolution, a été publié en 2019.
L'ancien chef du service d’ophtalmologie de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, à Paris (1980-1996) et d'une unité de recherche ophtalmologique de l'Inserm (1979-1998), a également reçu plusieurs prix scientifiques, pour ses travaux sur le kératocône, sur la structure de la cornée normale et pathologique et pour l’ensemble de son œuvre scientifique le prix Claude Bernard de la Ville de Paris.
Parmi ses principaux faits d'armes : une forte implication dans la mise en ligne du dictionnaire de l'Académie française. A ce titre, les 9 éditions du dictionnaire sont accessibles gratuitement.
« Nous savons qu'il est immortel... »
Bertrand Roy, Président de l’Asnav, a réagi à cette triste nouvelle : « Le Professeur Pouliquen, reconnu mondialement, a porté au pinacle la qualité de l'opthalmologie française. Médecin, humaniste, il a présidé pendant de nombreuses années le Conseil scientifique de l'Asnav, mélant rigueur et bienveillance. Nos pensées vont vers sa famille. Nous perdons un ami, mais, de sa dernière passion, nous savons qu'il est immortel... Merci, Monsieur... »
Toute la rédaction d’Acuité adresse à sa famille, ses proches et connaissances, ses plus sincères condoléances.
Comme le dit l'article c'est avec la plus grande considération pour notre travail qu'il pratiquait son art. J'ai eu le plaisir de réaliser l'équipement de nombre de ses patients aphaques au début des années 80, à l'époque ou, la cicatrisation prenant plusieurs mois nous étions amenés à suivre le patient avec des lunettes provisoires jusqu'à la prescription finale qui, en substance était: "Monsieur l'opticien faites au mieux".
Chirurgien émérite, plusieurs de mes clients ont eu la vue sauvée par ses interventions, je me souviens particulièrement de l'un d'entre eux, une première intervention de cataracte réalisé aux 15/20 par un professeur connu, lui avait fait perdre l’œil, et compte tenu de cet échec ce chef de service refusait l'opération du second œil, le laissant presque aveugle. Non seulement le Professeur Pouliquen opéra le second œil avec succès mais il intervint sur le premier déclaré perdu et lui rendit au final une acuité de 10/10.
Un jour, ce client vint spécialement me voir au magasin pour m'annoncer "le professeur Haut est mort".
Merci à Monsieur Pouliquen pour sa vie exemplaire.
Je présente toutes mes condoléances à ses proches et sa famille.
Que son humanisme, son amour pour ses semblables et ses qualités humaines et professionnelles puissent inspirer les générations futures.