Imaginez pouvoir détecter ce que vos yeux ne voient pas naturellement. Que ce soit la chaleur d'un corps dans l'obscurité, des signaux de communication secrets, ou même des défauts dans des matériaux invisibles à l'œil nu.
Cela pourrait bientôt devenir une réalité, grâce à des lentilles de contact infrarouges.
Développées par des chercheurs en Chine et aux États-Unis, ces lentilles « transforment » la lumière infrarouge, que nous ne voyons pas, en lumière visible pour nos yeux. Le tout sans aucune pile ni source d'énergie externe.
Une technologie nanoscopique
Les chercheurs de l'Université des Sciences et Technologies de Chine et de l'Université du Massachusetts ont mis au point des lentilles de contact souples et transparentes qui intègrent des éléments à l'échelle nanométrique (mille millions de fois plus petits qu'un mètre).
Quand ces nanoparticules reçoivent de la lumière infrarouge proche, elles la « transforment » et la réémettent sous forme de lumière visible. Ce processus est appelé conversion ascendante*, et c'est ce qui rend l'invisible visible, et cela, sans avoir besoin d'une batterie ou d'une source d'énergie externe.
Les chercheurs ont dû néanmoins relever un défi de taille : intégrer ces nanoparticules dans un matériau de lentille de contact qui soit sans danger pour l'œil, souple, confortable et surtout... parfaitement transparent.
Voir dans le noir... ou les yeux fermés
Un des aspects les plus fascinants de cette technologie est sa capacité à fonctionner même dans des conditions étonnantes. Si ces lentilles permettent de voir dans l'obscurité, les chercheurs ont poussé le concept encore plus loin.
Ils ont exploité la propriété de la lumière infrarouge qui traverse nos tissus biologiques plus facilement que la lumière visible. Concrètement, cela signifie qu'avec ces lentilles, il est possible de détecter des signaux infrarouges clignotants même en ayant les yeux fermés.
Des tests sur des souris et des humains ont confirmé cette fonctionnalité, démontrant une activation des zones visuelles du cerveau en présence de lumière infrarouge.
Donner des couleurs à l'infrarouge : une application pour corriger le daltonisme ?
Au-delà de la simple détection, les chercheurs ont cherché à donner à nos yeux la capacité de « lire » les nuances de l'infrarouge.
Des test ont été menés sur des longueurs d'ondes infrarouge spécifiques (808 nm, 980 nm, 1 532 nm), qui ont été respectivement converties par les nanoparticules en une couleur visible différente : vert, bleu et rouge.
Cela ouvre la porte à la différenciation des matériaux ou des objets selon leur « signature » infrarouge, ce qui était impossible auparavant sans traitement informatique complexe.
En terme d'application dans le champ de la correcton visuelle, ces nanoparticules à code couleur pourraient être modifiées pour aider les daltoniens à voir des longueurs d'onde qu'ils seraient autrement incapables de détecter.
Il est important de noter qu'il s'agit d'une technologie en développement. Actuellement, ces lentilles fonctionnent principalement avec des sources lumineuses infrarouges directes, comme celles des LED.
Les chercheurs travaillent pour améliorer la sensibilité des nanoparticules, afin qu'elles puissent capter des niveaux inférieurs de lumière infrarouge, afin d'élargir encore davantage les possibilités.
*La conversion ascendante de photons est un processus par lequel l'absorption séquentielle de deux photons ou plus conduit à l'émission de lumière à une longueur d'onde plus courte que la longueur d'onde d'excitation. La conversion de la lumière infrarouge en lumière visible en est un exemple.