Enseignes, succursales, franchisés, coopératives, indépendants... De nombreux magasins d'optique ont été touchés par des dégradations - voire des destructions - et des pillages lors des nuits de violences urbaines qui se répètent chaque soir, depuis la semaine dernière. Acuité a recueilli les témoignages d'enseignes pour dresser un bilan provisoire des actes de vandalisme ayant touchés le secteur. Pour le moment, plus d'une centaine de magasins attaqués sont à déplorer.

Acuitis

Chez Acuitis, un magasin succursaliste ouvert il y a dix ans, a été vandalisé à Marseille dans le quartier Bonneveine. « Ils sont rentrés de nuit dans le centre commercial qui se situe près du centre-ville », nous a raconté Marcel Cézar, directeur du développement Acuitis. « Ils ont brisé la vitrine du magasin et ont tout pris. Il ne reste que quelques solaires comme on peut voir sur la photo ». Impossible d’estimer les dégâts cependant, car la police a interdit l’accès afin de retrouver des indices et de prélever les empreintes. « Nous avons quand même pu calfeutrer la vitrine brisée. Cédric, le directeur avec qui on travaille depuis 25 ans environ a assuré en apportant son soutien à l’équipe. Nous sommes prêts à envoyer des montures et du matériel, mais pour le moment la date de réouverture est attendue » a précisé Marcel Cézar.

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Le magasin Acuitis de Marseille Bonneveine

Alain Afflelou

Laurent Afflelou, directeur du développement chez Alain Affelou, a recensé 5 magasins vandalisés et des équipes traumatisées. « Le plus touché est celui de Montereau Fault Yonne (77), du centre commercial Carrefour, qui a brûlé. Les arroseurs automatiques ont fonctionné donc le magasin est inondé. Il avait été déplacé et agrandi récemment. Nous estimons les dégâts à 250 000 euros. Tout est à refaire sans parler de la perte d'exploitation ». Même son de cloche à Saint-Nazaire, où le nouvel agencement datait de 15 jours où encore à Marseille Bonneveine, où le magasin a été pillé. « Le magasin va être fermé au moins pour un mois, tout est fichu » souligne Laurent Afflelou. Un magasin du centre-ville de Lyon a également été dévasté.

Laurent Afflelou nous a ensuite détaillé le plan d’action : « Coté finance, nous avons proposé un décalage de paiements des factures. Puis nous allons mettre en place des campagnes de pub pour diriger les franchisés vers d'autres magasins, s’il y en a dans la même zone géographique. Nous avons un assureur qui répond présent habituellement. Ça rappelle la réaction d'urgence qu'on a vécu pendant le Covid ».

Le magasin Afflelou dévasté et inondé dans l'Yonne

Atol Mon Opticien

La coopérative Atol dénombre 14 magasins concernées par les violences, allant de la tentative d’effraction à la destruction totale de l’outil de travail, comme à Stains et à Sevran. « Les préjudices financiers s’étalent entre 20 000 et 400 000 euros selon les cas », explique Eric Plat, PDG d’Atol. « Le préjudice moral, lui, est très important. Il est toujours difficile de faire face à la détresse, certains sont en colère, d’autres découragés face à l’ampleur des dégâts. Ceux qui le pouvaient se sont retroussés les manches pour remettre en ordre ce qui était possible afin de servir leurs clients. Mais certains auront besoin de plusieurs mois avant d’envisager une réouverture. Nous sommes à leurs côtés pour les accompagner ».
Paiement en plusieurs fois pour faciliter le réapprovisionnement, traites bloquées, équipes travaux dépêchées en priorité, campagnes de communication locales... sont quelques mesures prises dès maintenant par Atol afin d’aider les sinistrés du groupe.

Le magasin Atol dévalisé dans le 93

 

Écouter Voir 

Le réseau Écouter Voir déplore à ce jour une dizaine de points de vente sinistrés : Thonon, Saint-Herblain, Allonnes, Rouen Saint-Sever, La Chaussée Saint-Victor, Saint-Etienne, Lille, Grande Synthe et Béziers Montimaran. La tête de réseau exprime tout son soutien aux groupements victimes et à leurs collaborateurs. « Ecouter Voir est un réseau qui joue collectif. À ce titre, nous souhaitons apporter notre contribution à cette situation de crise et permettre la réouverture la plus sereine et rapide possible de nos points de vente », annonce Arthur Havis, directeur général de Visaudio. Tout groupement ayant été victime de dégradations peut compter sur le déploiement d’un plan d’accompagnement dédié comprenant une communication de relance, la mise à disposition des enseignes gracieusement, l’accélération du réapprovisionnement. Par ailleurs, Écouter Voir envisage la mise en place d’un soutien psychologique pour les collaborateurs qui souhaiteraient en bénéficier. Plus que jamais, le mot solidarité prend tout son sens, au cœur même du réseau Écouter Voir.

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La structure même du bâtiment à Béziers Montimaran est remise en cause

 

GrandOptical

Du côté de GrandOptical, on dénombre deux magasins succursalistes vandalisés, comme nous l’a expliqué Thierry Lucasson, directeur des Opérations GrandOptical chez GrandVision. « Nous avons deux magasins touchés. L’un à Marseille, au sein du centre commercial Bourse, où les vandales se sont introduits la nuit et ont pillé le magasin. Nous n’avons pas de recul sur l’estimation des dégâts pour le moment, ni de date de réouverture. Le second se situe à Lyon République. Le magasin a été cassé mais pas pillé. On avait enlevé tout ce qui était visible dans le magasin » explique Thierry Lucasson. « Nous avons géré rapidement la crise et mis en place les mesures d'urgence via le groupe WhatsApp. Nous remontons rapidement les informations pour la mise en sécurité des personnes et des biens. Pour les magasins qui ont subi des dégâts, il y a la mise en place immédiate, selon la procédure, d'un accompagnement pour les travaux, la supply chain pour les approvisionnements en produits et matériels, et aussi juridique ainsi qu’un accompagnement moral pour les équipes impactées ».

À Drancy, un magasin Générale d’Optique a été complètement saccagé. Othilie Perrin, directrice des operations Générale d’Optique, nous a apporté des précisions. « Il faut tout reconstruire de A à Z. Ils ont tout pillé et sont allés jusqu’à faire des trous dans le plafond. Nous n'avons pas de date de réouverture pour le moment. Les ordinateurs ont été cassés et les meubles détruits. Les équipes sont en colère et inquiètes. Pourtant, on avait anticipé dès vendredi. À la demande des centres commerciaux et de la police, les magasins ont fermé plus tôt, à 16h ou 17h pour certains. Le centre commercial où se trouve la boutique avait déjà été investi jeudi, et tout a été détruit vendredi soir. Nous avons aussi un magasin du centre ville à Saint-Étienne où la vitrine a été cassée, mais pas d’intrusion ni de vol ».

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Le GrandOptical de Marseille Bourse

 

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Le magasin Générale d'Optique de Drancy

Krys

« Nous avons recensé 18 magasins du groupe vandalisés, 15 Krys et 3 Collectif des Lunetiers », explique Christophe Conart, directeur des réseaux et des relations associés chez Krys Group. « Les magasins touchés sont essentiellement à Paris et sa périphérie, à Marseille et à Lyon. Les dégradations sont de degrés divers, allant du simple bris de vitrine jusqu’au saccage complet du point de vente avec vol des stocks, destruction du mobilier ainsi que du matériel professionnel et informatique ».

« Dès jeudi dernier nous avons réuni une cellule de crise, qui a été active tout le weekend, et encore mobilisée actuellement. Elle est composée de l’ensemble des équipes terrain, informatique, agencement, mais aussi des enseignes et de notre usine Codir. Cette cellule a été en contact avec tous les adhérents touchés pour les guider sur les processus urgents à suivre pour faire l’inventaire du préjudice, leur apporter un soutien logistique pour se remettre sur pied au plus vite, mais aussi pour les écouter et les rassurer car l’impact psychologique est significatif ».

« Nous avons pu constater une solidarité forte au sein de nos réseaux, entre opticiens d’abord pour s’entraider et se dépanner, mais aussi de la part des clients qui ont apporté leur soutien en grand nombre. Nos coordinateurs régionaux ont pu faire remonter les informations rapidement et accompagnent les opticiens du groupe pour trouver des solutions afin de pouvoir reprendre l’activité dans les meilleurs délais. De son côté, le Crédit Coopératif s’est engagé à faire le maximum, et nous sommes en contact permanent avec la FCA*, Procos** et le Rof. Nos fabricants se sont aussi mobilisés pour mettre à disposition des stocks dans des délais exceptionnels. Les opticiens sont des entrepreneurs, des combattants, et cette expérience dramatique n’a pas fait vaciller leur résilience et leur passion pour le métier ».

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Le magasin Krys de Juvisy-sur-Orge (91)

 

Optic 2000

Le groupement Optic 2000 a été très touché avec une trentaine de magasins ciblés (Optic 2000, Lissac et Gadol). Argenteuil, Villeurbanne, Nantes, Paris, Marseille... Benoit Jaubert, directeur général chez Optic 2000, a dressé une longue liste. « Les vitrines des magasins sont éventrées, les magasins pillés. C'est une question d'heures, ou de jours pour les remises en état. Nous avons immédiatement mis en place des mesures spécifiques d'accompagnement. Priorité à l'ameublement : des camions vont se rendre d’urgence dans les magasins les plus touchés en priorité. Puis nous allons faire des packs de marketing direct à la reprise d’activité pour informer les clients ».

« Les mesures prises par le groupe Optic 2000 complètent bien sûr, celles annoncées par Bruno Lemaire comme le décalage des charges et la possibilité de placer en activité partielle les collaborateurs des magasins, qui ont subi des dégradations liées aux émeutes des derniers jours, le temps de remettre en état le magasin ».

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Le magasin Optic 2000 à Argenteuil

 

CDO (Centrale des Opticiens)

Concernant les opticiens indépendants, Valerie Abbou, directrice commerciale et opérationnelle de la CDO, nous a répondu sur le nombre d'adhérents touchés. « Nous avons lancé un recensement et pour l'instant, nous pouvons confirmer que 8 magasins (ndlr : chiffres non défnitifs) ont été attaqués avec une grande violence. Dans la plupart des cas, ils ont été saccagés. À Blois, tout a été volé sur les présentoirs, les meubles cassés, la meuleuse renversée et les péniches avec les commandes prêtes éparpillées au sol ». La CDO a tout de suite déployé un système pour différer les paiements et aider à refaire les stocks. « Nous avons immédiatement envoyer une newsletter aux adhérents afin qu'ils nous fassent remonter les problèmes et nous avons mis en place un échelonnement des paiements pour aider les adhérents en terme de trésorie. Certains nous ont contacté pour les aider à identifier les factures. Plusieurs fournisseurs ont mis des stocks à prix très avantageux pour réachalander les présentoirs en urgence ».

Club OpticLibre

« De notre côté, nous avons recensé une quinzaine de magasins vandalisés, majoritairement en région parisienne. Comme partout, les exactions ont été violentes. Un magasin a même été brûlé » témoigne Vincent Lefevre, directeur général associé Club OpticLibre. Dans un communiqué, la centrale a invité tous les opticiens à sécuriser au maximum les magasins (vitrines, linéaires, mobilier) et à mettre à l’abri les stocks. Elle se mobilise également pour assister les opticiens dans la reconstitution des stocks de produits avec un étalement, sur plusieurs mois, du paiement des factures.

 

Nous complèterons cet article au fur et à mesure des retours.