Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 a été définitivement adopté ce 29 novembre à l'Assemblée nationale. Si les sénateurs y avaient introduit la notion d'obligation d’ordonnance pour les lentilles de contact, les députés ont décidé de la supprimer.

Aujourd’hui, la prescription médicale des lentilles de contact correctrices est obligatoire uniquement chez le primo-porteur. Elle est valable un an pour la première délivrance et permet un renouvellement par l’opticien durant 3 ans (au-dessus de 16 ans) et sauf opposition du médecin prescripteur.

« Une mesure contraire à la jurisprudence européenne »

Michèle Delaunay, rapporteure du texte et députée PS de Gironde, s'est positionnée contre cette mesure estimant que, « très logiquement, on ne peut pas imaginer que la prescription par ordonnance empêchera les accidents ». Avant d'ajouter : « La prescription répétée est parfaitement contraire à la jurisprudence européenne qui a considéré, dans un arrêt du 2 décembre 2010, que seule la première délivrance de lentilles peut être soumise à des exigences particulières. Nous ne pouvons aller contre ».

Défendant la disposition inscrite au Sénat, Dominique Orliac, députée RRDP du Lot, a insisté sur la nécessité d’harmoniser « l’ensemble du travail réalisé par le ministère de la Santé visant à la restructuration de la filière visuelle. Comment faire comprendre qu’on encadre moins le renouvellement de lentilles de contact que celui de verres correcteurs ?, a-t-elle interrogé. On sait pertinemment que les lentilles de contact sont à l’origine de complications en l’absence de surveillance et qu’elles ne peuvent être prises en charge qu’à la suite d’un examen réalisé par un ophtalmologiste ». Selon elle, les spécialistes « n’acceptent pas d’abandonner leurs patients porteurs de lentilles de contact à la dérégulation ! Même si beaucoup d’opticiens jouent le jeu et travaillent en binôme avec les ophtalmologistes, tel n’est pas toujours le cas ».

Toutefois le Gouvernement et la rapporteure du texte en auront décidé autrement, se prononçant contre la disposition. Pour Michèle Delaunay, « ces deux exposés souffrent d’une confusion. Le suivi du patient est nécessaire et l’ophtalmologiste peut lui conseiller de venir lui montrer s’il n’a pas de conjonctivite ou toute autre infection, mais c’est la prescription que nous désignons ici du doigt. Ce n’est pas exactement pareil. Qu’un suivi soit nécessaire, c’est à l’ophtalmologiste de le déterminer et de le proposer. La loi, en revanche, traite de la prescription et se contente de déterminer s’il faut ou non une nouvelle ordonnance ».

Ordonnance obligatoire pour les primo-porteurs

Attention, la présentation d'une ordonnance est obligatoire pour la première délivrance. Instaurée par la Loi Hamon, cette mesure est précisée par le décret n° 2015-888 du 21 juillet 2015. Il indique que « la délivrance de lentilles de contact oculaire correctrices par un opticien-lunetier à une personne qui en porte pour la première fois est subordonnée à la présentation d'une ordonnance médicale comportant la correction et les caractéristiques essentielles de ces produits. La durée de validité de cette ordonnance médicale est fixée à un an » pour la délivrance des premières lentilles et l'ophtalmologiste doit en préciser les caractéristiques essentielles.

Notons aussi que, depuis le 17 octobre dernier, vous avez le droit dans le cadre d'un renouvellement d’adapter (seulement) la correction des lentilles, pour les ordonnances établies à partir de cette date et datant de moins d'un an pour les moins de 16 ans et de moins de 3 ans pour les plus de 16 ans (sauf indication contraire du spécialiste).

Au-delà de cette période, le porteur ne sera pas obligé de présenter une ordonnance pour acheter ses lentilles. Une situation incohérente dans le parcours de soins, pour les ophtalmologistes, avec délivrance possible par l’opticien alors que les spécialistes peuvent éventuellement s'opposer à ce renouvellement par nécessité médicale. « La présentation d’une ordonnance médicale en cours de validité est exigée pour la délivrance des verres correcteurs, il doit en être de même pour les lentilles de contact, commente le Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof) qui soutenait la mesure. Elle a pour avantage de simplifier les choses. La règle sera la même pour tout le monde, porteurs de lunettes et porteurs de lentilles », a estimé le Dr. Thierry Bour. La mesure a donc toutes ses chances d'être remise au cœur des débats.

Quid du remboursement limité par l'Assurance maladie ?

Lors de son examen au Sénat, les parlementaires avaient également souhaité limiter la prise en charge par l’Assurance maladie pour la première délivrance à la première année suivant l’établissement de l’ordonnance afin de limiter le risque de dépenses inadaptées. Cette disposition n’aura pas fait l’objet de débat en séance publique à l’Assemblée nationale. Elle a été supprimée à l’instar de l’obligation d’ordonnance pour la délivrance des lentilles de contact.