Après 10 mois d’enquête et différentes consultations, l’Autorité de la concurrence a rendu les conclusions de son analyse sectorielle sur les audioprothèses en décembre dernier. L’instance prône notamment la suppression du numerus clausus et, le découplage du prix de l’appareil et des prestations de suivi. Des mesures qui viseraient à répondre à la demande des « chaînes commerciales d’optique qui exercent un fort lobbying », estime le Syndicat national des Audioprothésistes (Unsaf). Pour son président, ces positions vont « à rebours de la volonté des Français ».

Le numerus clausus est-il justifié ou doit-il être relevé ?

A cette question, l’organisation professionnelle est catégorique : « Aujourd’hui, il n’existe aucune difficulté d’accès aux audioprothésistes dans aucun point du territoire ». Elle rappelle que le numerus clausus est généralisé pour les paramédicaux et que les « les effectifs croissent au même rythme que le marché depuis 2000 ». Un constat partagé par l’Autorité de la Concurrence qui décrit dans son rapport « une évolution parallèle du nombre d’audioprothésistes et du nombre d’appareils vendus ».

Pour l’Unsaf, la suppression du numerus clausus n’est pas justifiée car les professionnels de l’audio exercent sur prescription médicale. Aussi, « l’Assurance maladie assure une prise en charge qui va augmenter selon les récentes annonces ministérielles, rappelle son président, Luis Godinho. Enfin, cette régulation garantit la qualité de formation des nouveaux diplômés ».

Prenant comme exemple notre secteur, le syndicat estime qu’un accroissement incontrôlé de l’offre ne pourra avoir que des effets négatifs : « nombre extravagant de points de vente, dégradation du statut des jeunes diplômés et de l’image de la profession ». Il rappelle enfin, que l’Inspection générale des Affaires Sociales (Igas) a recommandé en 2015 la fixation d’un numerus clausus pour les opticiens.

Le couplage de l’appareil et des prestations de suivi freine-t-il la baisse des prix ?

Alors que l’Autorité de la Concurrence recommande de séparer l’achat de l’appareillage initial et l’achat des prestations de suivi postérieurs, l’Unsaf considère que cette mesure « ne pourra avoir que des effets négatifs sur l’observance. L’indissociabilité permet un meilleur suivi et est justifiée pour des raisons de santé publique », insiste Luis Godinho.

S’appuyant sur des chiffres de l’Assurance maladie, l’organisation professionnelle établit le délai de renouvellement moyen à 5 ans et 5 mois. 39% des patients renouvellent même entre 6 et 10 ans. « La facturation forfaitaire actuelle a donc aussi des vertus redistributives puisque les patients aux revenus les plus modestes renouvellent en moyenne plus tard que les autres, explique le syndicat. Ces données confirment l’efficience de la facturation forfaitaire matériel/prestations ».

La volonté de favoriser les chaînes d’optique ?

Ainsi pour Luis Godinho, les deux mesures soutenues par l’Autorité de la Concurrence consisteraient à favoriser le développement des « chaînes commerciales d’optique », dont les deux principaux acteurs en audio sont le groupe Afflelou (2%) et Optical Center (2%). « Toute évolution vers une facturation à l’acte ou par année de suivi, permettrait des approches commerciales aboutissant à un renouvellement plus rapide du matériel », dénonce le syndicat.

Pour l’Unsaf, « l’irruption des chaînes commerciales d’optique » en audio a déjà ou aura pour principales conséquences :

  • un « renforcement des inégalités spatiales de l’offre, alors que les magasins sont installés dans des zones déjà bien pourvues en audioprothésistes en délaissant les zones rurales » ;
  • une « sélection des risques non représentative de la population appareillable » ;
  • un « rapport qualité-prix préjudiciable pour le patient et déloyal pour la concurrence » ;
  • une « communication massive et couteuse qui viendra à terme enchérir les prix comme en optique » ;
  • une « publicité trompeuse fondée uniquement sur un prix prétendument bas des appareillage ».

En conclusion pour le Syndicat national des Audioprothésistes, « il est certain que la solution proposait par l’Autorité de la Concurrence, aboutirait à augmenter le prix moyen payé par année et aurait probablement des effets négatifs majeurs sur l’observance. Seul un futur travail, conduit par l’Igas et la Haute Autorité de Santé (HAS), compétentes en matière de santé, pourrait trancher définitivement la question », estime son président. Enfin, l’Unsaf demande qu’une étude et une prévision des besoins en termes d’effectifs de la profession d’audioprothésistes soient menées par l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS).