Certains diront que l’intention est louable, d’autres n’y verront pas d’intérêt. Loin des préjugés et des idées reçues, Charles Dagneaux, opticien depuis 1998, avait depuis longtemps l’idée de se lancer dans l’impression 3D. Objectif : « développer les lunettes sur mesure et redonner ses lettres de noblesse à la profession d’optique lunetterie ». En septembre 2014, il a ainsi créé le site internet lu-net.fr et réalise depuis plus de six mois du prototypage pour ses confrères. « Il ne faut pas laisser tomber ce côté de notre métier. On peut faire du prototypage, sans avoir besoin de limes et de scies », souligne-t-il.

Equipé d’une imprimante 3D et dans l'attente d'une nouvelle « encore plus performante », Charles est à même de réaliser des prototypes de montures en 1 heure pour ses clients (la commande coûte 20 euros). La procédure est la suivante : après avoir étudié la morphologie de la personne, une photo est prise. S’ensuit la modélisation en fonction notamment de l’angle de face et de chasse, avant de terminer par l’impression 3D. « Mes clients sont très satisfaits de ce service, j'en ai en moyenne trois par mois. Avant de mettre un certain prix, le porteur à besoin de voir à quoi va ressembler sa monture », affirme-t-il.

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Charles Dagneaux en train de réaliser un prototype pour un de ses clients

Une perspective intéressante pour la fabrication de pièces détachées

Charles travaille notamment en étroite collaboration avec Sarah Grandjean, propriétaire du magasin indépendant « Histoire de lunettes » à Saint-Cloud. Pour cette ancienne professeur d’atelier à l’Iso (Institut Supérieur d'Optique), le prototypage s’avère judicieux « pour donner un aperçu à un client difficile ou lorsqu’on réalise une monture de très grande taille pour un de ses porteurs ». Son confrère Franck Wimmer, qui a créé un atelier de fabrication de montures sur-mesure à Bastia, reste quant à lui plus sceptique, y trouvant « davantage d’intérêt pour l’industrie que pour l’artisanat ». Mais il s’inquiète quand même de la concurrence de l’impression 3D, notamment pour les montures en acétate. « Heureusement, pour le moment, c’est moins riche en coloris et il nous reste toujours les matières nobles comme la corne et le bois », précise-t-il. Dans une moindre mesure, cette nouvelle technologie ne réjouit pas Sarah Grandjean. « Si ces machines étaient un jour capables de fabriquer des montures, on mettrait la clé sous la porte », renchérit-elle. De son point de vue, « c’est un très bon outil de création». Et l’opticien peut y trouver son intérêt pour la fabrication de pièces détachées : « Si un client souhaite changer par exemple une branche sur ses lunettes, on pourra faire le service après-vente en impression 3D », estime-t-elle.

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Réalisation du prototype à l’impression 3D

Bientôt une formation ?

En dépit des préjugés, Charles Dagneaux précise que cette nouvelle technologie s’améliore de jour en jour, devient de plus en plus accessible et ne doit pas être négligée. « Mais l’impression 3D ne remplacera jamais le talent, l’œil et le savoir-faire des artisans lunetiers comme Sarah et Franck. En revanche, n'importe quel opticien formé pourra créer et proposer une forme de lunettes adaptée à la morphologie de son client, et qu'il pourra réaliser ou faire réaliser en fonction des envies (couleurs, matériaux,...) », explique-t-il. Et d’ajouter : « ce serait vraiment dommage de passer à côté, notamment pour les jeunes, dont la plupart sont déjà formés sur des logiciels 3D ». Charles a d'ailleurs proposé ses services à l’Iso pour initier les étudiants à l’impression 3D. Il mettra sur son site lu-net.fr un programme de modélisation 3D de montures nommé « mylu-net » et gratuit pour les étudiants en BTS OL. « Rien n’est fait, mais je souhaite redorer le blason du métier d’optique lunetterie», insiste-t-il avec le sourire.

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L’imprimante 3D ultimaker