C’est à ne plus rien y comprendre ! Le constat est toujours le même concernant l’accès aux soins de santé visuelle, avec des délais d’attente qui se rallongent dus à la pénurie des ophtalmologistes. De son côté, le Gouvernement fait un pas en avant mais deux en arrière. Pourtant l’enjeu est de taille : face au vieillissement de la population et aux facteurs environnementaux toujours plus agressifs pour notre vue, comment assurer une prise en charge efficace de la santé visuelle des Français dans les années à venir ?

Sûrement pas en supprimant des postes en ophtalmologie dans les universités de médecine ! A la rentrée 2016, les pouvoirs publics ont fermé 10 places d’interne par rapport à l’année précédente. En parallèle, les spécialistes prévoient une hausse de 14% des troubles de la réfraction (myopie, presbytie...). Le plus inquiétant reste l'évolution des maladies touchant la rétine et le cristallin, dont le nombre de cas explose : dans les pays développés dont l'Hexagone, la DMLA affecte déjà 10% de la population des plus de 50 ans et 25% des plus de 80 ans, devenant la première cause de malvoyance. Le nombre de cas devrait être multiplié par 2 en 20 ans. Idem pour les maladies de la rétine et la cataracte. Les prévisions de glaucomes sont, elles, en progression de 70% entre 2000 et 2020. C’est une véritable « épidémie » qui touchera toute la planète d'ici 10 ans... 

« Comment comprendre cette décision contre-productive pour l’accès aux soins des patients et en totale incohérence avec le travail mené jusqu’à aujourd’hui pour réduire les délais d’attente ? », s’insurge alors le Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof). Chaque année, de 200 à 250 ophtalmologistes partent à la retraite. Si seuls 150 sont formés, en résulte un déficit supplémentaire d’environ 100 praticiens ».

S’agit-il alors d’une pénurie organisée ? C’est en tout cas ce que semble penser le Dr. Thierry Bour, son président. Il estime que la chute du nombre d’ophtalmologistes met en péril le succès des délégations de tâches, alors même que la formation des orthoptistes a été revalorisée et que les opticiens sont en attente de la refonte du BTS OL pour être intégré au cursus LMD (Licence Master Doctorat). Les protocoles de coopération n’ont de sens que s’ils sont combinés à un renouvellement des effectifs des spécialistes. La mise en place des cabinets aidés avec les orthoptistes pourrait être une solution à condition qu’il y ait des ophtalmologistes. Dans les zones de déserts médicaux, les opticiens peuvent jouer pleinement leur rôle de professionnels de santé de proximité.

Pour mémoire, la loi Santé prévoit notamment de moduler la période pendant laquelle un opticien peut renouveler un équipement en fonction de l’âge et de l’état de santé du patient. Elle pourrait ainsi passer à 5 ans pour certains des porteurs, contre 3 actuellement. Ce principe doit également être étendu aux lentilles de contact. Le tout sera précisé par décret, attendu prochainement. Une opportunité pour les opticiens d’affirmer leur rôle au sein de la filière. Et pour répondre au mieux aux attentes, ils sont aujourd’hui nombreux à se tourner vers des formations post-BTS. 67% des diplômés du BTS OL ont poursuivi leurs études en 2015 (+20 points vs 2014)*. La course aux diplômes est engagée, soutenue par les complémentaires santé qui demandent toujours plus d’opticiens diplômés au sein des magasins conventionnés par leurs réseaux.

Notre profession, ainsi tirée par le haut, se prépare donc petit à petit à répondre à une situation qui se dégrade. Face à ce constat, nous sommes en droit de nous demander à quoi joue le Gouvernement. La santé visuelle des Français est en danger ! « Pour répondre aux besoins croissants de la population en matière de soins visuels, il est impératif de sanctuariser les postes en ophtalmologie et même de les augmenter (...) », insiste le syndicat d’ophtalmologistes. Le tout doit être renforcé par la présence des opticiens, acteurs de proximité dans la filière de santé visuelle. Les professionnels de santé que vous êtes, ont toute leur place tant en nombre, qu’en compétences et répartition géographique. A quand cette reconnaissance ?

*Hors-série Emploi, Bien Vu, 2015.