Les Assises de la télémédecine consacrées aux filières bucco-dentaire, optique et auditive, qui avaient lieu le 14 novembre 2025 à Caen, avaient une promesse forte.

Ce matin, le directeur de l'ARS Normandie, François Mengin-Lecreulx, a déclaré en introduction : « À l’issue de ces Assises, nous avons le devoir de faire de la télémédecine une réalité pour tous les territoires de France. Il nous faut une télémédecine conciliant innovation, accessibilité, efficacité et continuité du parcours de soins ».

De son côté, Thierry Préaux, directeur de la coordination et de la gestion du risque de Normandie (Assurance maladie), a de son côté, précise : « Le principe fondamental de la télémédecine, c'est de faciliter l’accès aux soins dans les déserts médicaux. Pour autant, elle ne doit pas remplacer les actes et examens physiques ». 

Au-delà des promesses, la réalité corporatiste

Une douzaine de protocoles et retours d'expérience de télémédecine mis en place en Normandie ont été détaillés : depuis le protocole Muraine, RNO, RNM, mais aussi le protocole Doré qui autorise des prises de mesures par les orthoptistes dans les Ehpad, ainsi que d'autres protocoles de coopération locaux comme Doctovue ou OphtaMaine.

Le point commun de ces pratiques, c'est avant tout l'usage de la télémédecine (téléconsultation et téléexpertise) entre ophtalmologistes et orthoptistes. Les pratiques qui ont été rapportées pendant ces Assises sont très proches les unes des autres. C'est surtout le type d'examens réalisés, qui varient.

 

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La place des opticiens dans ces Assises

Le public de ces Assises était constitué à 1/3 d'ophtalmologistes, 1/3 d'orthoptistes, et 1/3 d'opticiens. Par contre, 95% des interventions ont concerné les ophtalmologistes et les orthoptistes. Ceux qui attendaient des réponses sur la place de l'opticien dans la filière visuelle télémédicale ont été fortement déçus. 

Sur les 3 heures de ces Assises, seul un opticien, Hugues Bregaint (Optic 2000), a pu témoigner pendant moins de 10 minutes sur ses 5 ans d'expérimentation en Ehpad (réputée s'étendre début 2026 !). Une autre opticien était au programme, mais il n'était finalement pas présent. Dommage.

Retrouvez ci-dessous les interviews vidéos des syndicats.

Une coopération entre les 3 "O", mais pas en télémédecine

À la question du président de l'AOF Thibaud Thaëron concernant la place des opticiens en cabinet d'ophtalmologie et d'orthoptie, qui réalisent déjà un certain nombre d'examens poussés en dehors du cadre strictement réglementaire, aucune réponse n'a été apportée. Ni dans l'instant, ni plus tard. C'est pourtant un vrai sujet : 30% des cabinets d'ophtalmologie emploient au moins un opticien, dont le rôle va souvent plus loin que réaliser une réfraction.

Ainsi, si tous les acteurs présents confirment l'importance de la coopération entre les 3 "O", y compris en télémédecine, vantant même le maillage territorial des opticiens, force est de constater que l'opticien a clairement été absent du débat sur la télémédecine. Faisant fi des 1 500 magasins d'optique équipés de solutions de téléconsultation et surtout de téléexpertise. 

L'importance d'une formation médicale

Lorsque l'opticien a été évoqué, c'était en faisant référence à sa formation. Pour le professeur Marc Muraine : « Il y a suffisamment d'orthoptistes pour épauler les ophtalmologistes, puisque 650 orthoptistes seront formés cette année. Les opticiens ont une formation technico-commerciale. Il ne sont jamais allés en hôpital. Ils n’ont pas de formation médicale. On comprend bien les intérêts qui animent les uns et les autres. L’opticien ne peut pas être prescripteur vendeur, comme dans les pays anglo-saxon (soit la quasi-totalité des pays du monde, NDLR), et ce n'est pas ce type de médecine que nous nous souhaitons pour l'accès aux soins visuels ».

Un sentiment d'exclusion

Cette exclusion de notre profession dans la lutte contre les déserts médicaux, s'est ressentie jusqu'à nos demandes d'interviews de l'ARS, à l'Assurance maladie, à la DGOS, etc qui sont resté sans réponses. Le rôle de l'opticien en télémédecine serait il tabou ?  

Hugues Verdier-Davioud, président de la Fnof, a pu prendre brièvement la prole en rappelant que l'opticien est le professionnel de santé visuelle de première intention, dont les portes sont ouvertes de 9h à 20h et qui est présent précisément dans les zones où il n'y a ni ophtalmo, ni orthoptiste. Ce qui est justement l'enjeu de la télémédecine : proposer un accès aux soins dans les déserts médicaux.  

Technico-commercial, le vendeur de lunettes

En dehors de l'expérimentation de la réfraction par les opticiens en Ehpad, ces Assises n'auront fait qu'évoquer le rôle de l'opticien, dans la délivrance de l'équipement. Quand les orthoptistes prennent en charge les examens visuels donnant lieu à des ordonnances, sous la supervision des ophtalmologistes - en présentiel ou via la télémédecine.

Du neuf début 2026

Le docteur Jean-Bernard Rottier a évoqué l'inertie de la médecine lorsqu'il s'agit de modifier ses pratiques « il faut des dizaines d'années pour que les mentalités changent ». 

Et pourtant : ces Assises sont là pour inspirer le gouvernement pour préciser ses intentions et faire évaluer le cadre réglementaire dès janvier 2026. Si cette expérience Normande doit inspirer l'ensemble du territoire, la place de l'opticien n'a pas l'air d'être au programme. 

Les réactions à chaud, sur place et en vidéo, des syndicats actifs d'opticiens, par ordre alphabétique (AOF, FNOF, ROF) :