« Les centres de santé sont souvent les seuls à proposer des rendez-vous médicaux, mais ils coûtent cher aux finances publiques », annonce d'emblée le présentateur de Complément d'Enquête, Tristan Waleckx.

 

Le reportage de 52 minutes « Centres de santé : profits sur ordonnance », diffusé sur France 2 le 14 mars et disponible en replay, dresse un bilan particulièrement coûteux de certains centres de santé. Si l'objectif était louable, les abus ont été nombreux :

  • injustifiés
  • inexploités
  • surfacturés
  • patients mal soignés
  • consultations à la chaine
  • exercice illégale de la médecine
  • trains de vie indécents

 

Pris en charge par la Sécurité sociale et les Ocam.

 

Voilà en somme le contenu du reportage, qui nous amène au coeur des centres de santé Alliance Vision et Cosem, aujourd'hui déconventionnés ou fermés, et qui font l'objet de procédures judiciaires, que nous avons déjà documenté dans nos colonnes au fur et à mesure.

Dans ce 52 minutes, les exemples de fraudes sont éloquents, tant par les témoignages de patients, d'employés qu'en caméra cachée par l'équipe journalistique. Les dirigeants des sociétés de centres de santé incriminés n'assument pas un instant les incriminations.

 

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La dynastie Dimermanas, à la tête de la Cosem (Coordination des Œuvres Sociales et Médicales), soupçonnée d'abus de confiance et de prise illégale d'intérêts et administrant 15 centres de santé @France 2

 

« Ils se déploient extrêmement rapidement »

Marc Scholler, directeur délégué de la lutte contre la fraude de la CPAM : « Ce type de fraudes, c’est clairement le déploiement de machines à cash, qui ont pour volonté de piller et de détourner l’argent de la Sécurité sociale. Ils s’organisent sur tout le territoire, ils se déploient extrêmement rapidement ».

 

Responsable, mais pas coupable

Les 2 anciennes ministres de la Santé Roseline Bachelot et Agnès Buzin, ainsi que la ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées Fadila Khattabi, assument les erreurs et légèretés règlementaires lorsqu'elles étaient en fonction.

 

Roseline Bachelot, ministre de la Santé de 2007 à 2010 : « En 2009, il fallait assouplir un certain nombre de règles pour que les centres de santé soient attractifs. [...] Est-ce que les textes peuvent empêcher tous les évènements indésirables ? Hélas, non. Il aurait été judicieux que la création des centres de santé soit mieux accompagnée ».

 

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Ce sont souvent des patients, des médecins ou des professionnels de santé qui alertent la Cpam sur des anomalies qu'ils constatent, comme ici cet ophtalmologiste dont le patient était venu persuadé avoir un kératocône, diagnostiqué dans un centre de santé Alliance Vision, alors qu'il était simplement myope @France 2

 

Agnès Buzin, ministre de la Santé de 2017 à 2020, insiste sur la pression exercée à la fois par les électeurs confrontés aux déserts médicaux et par le corps médical qui ne veut pas du contrôle des ARS et fustige la lourdeur administrative pour ouvrir un centre.

« Je n’ai pas imaginé qu’il y aurait de telles dérives au niveau de la qualité, ni que certains qui ne sont pas médecins proposent l’ouverture de centres de santé. Cela je crois qu’on ne l’avait pas anticipé - la perversité des gens qui se sont engouffrés que pour faire du profit ».

 

Comment contrôler de tels flux

2 ministres (et leurs équipes) qui n'ont pas anticipé les dérives des centres de santé. De 2016 à 2022, les centres de santé se multiplient et passent de 1 620 à 2 830. Les infractions aussi. 

Le préjudice d'Alliance Vision envers la CPAM serait d'au moins 20 millions d'euros, et la Cosem 37 millions d'euros.

Il y aurait aujourd'hui 150 contrôles en cours...sur près de 3 000 centres.

 

Une 3e ministre, Fadila Khattabi, qui fait un mea culpa général : « Il ne faut pas avoir peur de dire qu’on s’est trompé. On a fait une erreur. Le système, à un moment donné, à dévié. Il nous faut remettre de l’ordre et de l’éthique. Le secteur public ne peut pas répondre à l’ensemble des problématiques, malheureusement. Quand il y a du privé, il faut absolument qu’il soit dans les clous. Plus de contrôle, plus surveillé, plus de transparence ». En somme, le secteur privé doit être contrôlé. Surtout lorsqu'il s'agit de santé.

 

À défaut d'anticipation et de réactivité des pouvoirs publics, la financiarisation de l'offre de santé a visiblement gagné une 1ère manche sur le dos du contribuable. L'heure est maintenant aux comptes à rendre.