La sécheresse oculaire représente environ 25 % des motifs des consultations en ophtalmologie. Aux États-Unis, les estimations du bureau du recensement indiquent que, sur la période de 2000 à 2050, le nombre de personnes âgées de 65 à 84 ans augmentera de 100 %, et celui de personnes âgées de plus de 85 ans augmentera de 333 % [1]. Auxquels s’ajoutent les lecteurs sur écrans d’ordinateurs et de smartphone, on s’attend ainsi à ce que la fréquence de la sécheresse oculaire augmente de plus en plus durant les prochaines années. Des tendances similaires sont attendues dans de nombreux autres pays.

La sécheresse oculaire a un retentissement important sur la qualité de vie et la productivité au travail ainsi que des coûts financiers directs et indirects élevés [2].

Un microbiome différent d’un oeil à l’autre

Tout comme l’intestin, la bouche, ou encore la peau, les yeux disposent eux aussi d‘un microbiome spécifique. Ainsi, le microbiote des yeux serait différent chez les individus souffrant de sécheresse oculaire. Des chercheurs ont établi un lien entre le microbiome intestinal, le cerveau et les yeux.

A l'occasion du congrès annuel de l'American Society for Biochemistry and Molecular Biology qui s'est déroulé fin mars, Pallavi Sharma, du laboratoire de Van Kley, a présenté les résultats de son étude. « Toute altération du microbiome [3] intestinal affecte d'autres organes et peut entraîner des maladies.

Par conséquent, nous essayons d'identifier des modèles de déséquilibre entre les types de microbes présents dans le microbiome oculaire d'une personne ayant différents problèmes de santé », a-t-elle fait savoir. Sa recherche montre que le microbiote [4] des yeux serait différent chez les personnes souffrant de sécheresse oculaire.

Pour mener leurs expérimentations, les scientifiques ont collecté des échantillons oculaires de 30 volontaires. Ils ont ensuite utilisé une technologie de séquençage pour déterminer comment le mélange de microbes présents chez les patients ayant des yeux sains diffère de celui observé chez les individus souffrant de sécheresse oculaire.

Sécheresse oculaire : davantage de bactéries Acinetobacter

Il ressort de cette étude que :

  • Les bactéries Streptococcus et Pedobacter sont les microbes les plus répandus chez les personnes ayant des yeux sains.
  • Les individus qui ont les yeux secs comptent davantage d'Acinetobacter dans leur microbiome.

« Nous pensons que les métabolites produits par ces bactéries sont responsables de la sécheresse oculaire », a fait savoir Pallavi Sharma.

Mieux prendre en charge la sécheresse oculaire

« Nous effectuons des recherches plus approfondies pour comprendre les voies métaboliques associées à l'Acinetobacter afin de mieux comprendre la maladie », explique Alexandra Van Kley, responsable de l'équipe de recherche.

Son objectif : développer de meilleurs traitements pour la prise en charge de la sécheresse oculaire. « Une fois que nous comprendrons correctement le microbiote oculaire, cela améliorera le diagnostic de la maladie à un stade précoce », ajoute-t-elle.

 

[1] (No authors listed). Epidemiology of dry eye : Report of the Epidemiology Subcommittee of the 2007 Dry Eye WorkShop (DEWS). Ocul Surf 2007 ; 5 : 93-107.

[2] ] source : rapport 2015 surface oculaire SFO Elsevier Masson, Jean-Pierre Pisella, Christophe Baudouin, Thanh Hoang Xuan

[3] Le microbiome englobe l’ensemble des microbes qui habitent notre organisme, ainsi que leurs gènes et métabolites. Il comprend une variété de micro-organismes tels que virus, archées, bactéries, champignons et protistes. Ces éléments peuvent influencer les réactions physiologiques et la réponse d’une personne à divers traitements. Le corps humain n’est pas un environnement stérile ; il abrite une diversité de micro-organismes dans le tube digestif, sur la peau, dans les voies respiratoires et autres cavités humides.

[4] Le microbiote se réfère uniquement aux micro-organismes résidant dans l’organisme. Généralement, ce terme désigne les bactéries présentes dans le tube digestif. Le microbiote est influencé par des facteurs tels que le stress, le type d’allaitement, la prise d’antibiotiques et l’alimentation.