Une enquête menée par le Fonds CMU et publiée aujourd’hui révèle que 41% des médecins spécialistes (33% des ophtalmologistes) refusent de prendre en charge les bénéficiaires de la Couverture Maladie Universelle.
L’enquête a été réalisée selon la méthode du "testing" téléphonique dans six villes du Val-de-Marne choisies pour leurs caractéristiques contrastées (catégories sociales, démographie et taux de CMU) : Saint-Maur, Vincennes, Maisons-Alfort, L’Haÿ-les-Roses, Champigny-sur-Marne, et Vitry-sur-Seine.
Un acteur simulait un problème de santé (une infection oculaire de type conjonctivite pour les ophtalmologistes) et demandait un rendez-vous en précisant qu’il bénéficiait de la CMU. De nombreux refus en rapport avec la couverture maladie ont été annoncés d’emblée ("Nous ne prenons pas la CMU"). D’autres motifs, comme un manque de place, ont été également invoqués. Un second appel d’un autre "faux" patient n’ayant pas la CMU, à qui l’on accordait cette fois un rendez-vous, permettait ainsi de vérifier la véritable raison du refus.

Un tiers des ophtalmologistes testés ont refusé une prise en charge. Les taux de refus les plus élevés ont été relevés chez les gynécologues (44%) et les psychiatres (50%). En revanche, seulement 4,8% des généralistes ont répondu négativement.

Pour le Dr Jean-Luc Seegmuller, Président de la Snof (Syndicat National des Ophtalmologistes de France), que nous avons interrogé, l’enquête concerne une zone trop restreinte pour être réellement fiable. Ses résultats ne "correspondent pas aux rapports d’activité de la Cnam", qui révèlent à l’inverse une bonne prise en charge des bénéficiaires CMU.
Le Dr Seegmuller souligne également que la pénurie d’ophtalmologistes les oblige "à opérer des arbitrages", en traitant prioritairement les cas urgents comme un décollement de rétine, et ce indépendamment de la couverture médicale du patient.

Le ministre de la Santé Xavier Bertrand a de son côté écrit à l’Ordre des médecins pour qu’il "sanctionne" les praticiens refusant de traiter les bénéficiaires CMU : "ces comportements peuvent fragiliser des personnes souvent socialement défavorisées" a-t-il dénoncé.
Pour la Snof, la réaction du Ministère est inopportune : elle risque de provoquer la colère des médecins, alors que "pour donner les meilleurs soins, il faut l’adhésion de l’ensemble du secteur", a expliqué Dr Seegmuller.