La Cour des comptes a rendu un rapport confidentiel sur les données de santé. L’organisme y déplore la faible utilisation de ces données de santé par les pouvoirs publics et les freins à l’ouverture de cette base au potentiel exceptionnel. Un constat d’autant plus regrettable que « cette base de données, sans doute unique au monde au regard du système de protection sociale français, est très riche ». En effet, « chaque acte médical, chaque séjour hospitalier y figure », et pourtant, l’État ne fait rien de ces précieuses données.

Le site spécialisé Acteurs publics a consulté ce document et détaille tous les points de blocage listés par la Cour des comptes. Ainsi, le rapport décrit « comment la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAMTS) gère les données comme si elle en était propriétaire, alors qu’elle ne devait être qu’un support technique. Entre un comité de pilotage qui ne joue pas son rôle, un Institut des données de santé (IDS) – groupement d’intérêt public – aux missions mal définies et une tutelle – les ministres sociaux – absente des grandes décisions stratégiques, le système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram) est aux mains de la CNAMTS ». La gestion des conditions d’accès à la base est jugée « schizophrénique ».

L’opacité semble de mise sur le volet financier puisque la Cour des comptes « s’est heurtée à un mur quand elle a voulu savoir combien coûtait la gestion du Sniiram ». Elle n’a pu obtenir qu’un tableau des dépenses d’investissement et de fonctionnement sur la période 2010-2014, qui s’élèvent à 4,14 millions d’euros en 2014. Aucune donnée, en revanche, sur les dépenses en moyens humains. « Au total, un retard considérable a été pris dans l’exploitation du Sniiram au bénéfice de la santé publique, de la recherche, d’une meilleure efficience de notre système de soins et de la maîtrise des dépenses d’assurance maladie, tous enjeux vitaux pour notre pays », regrette la Cour qui dénonce un système qui « reste largement fermé aux acteurs publics et privés, tout en étant sous-utilisé par ceux-là mêmes qui disposent d’un accès permanent à cette base, c'est-à-dire l’assurance maladie et les ministères sociaux ! ».

La direction générale de la santé (DGS) fait une utilisation marginale de ces données, justifiée par l’absence de moyens et de compétences. Au final, « le rôle d’impulsion de la DGS dans le développement de ses exploitations, par exemple en matière de prévention ou encore de iatrogénie médicamenteuse [effets indésirables des médicaments], est donc limitée ». Seule bonne élève : la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) qui se frotte à une contrainte de taille puisque ses droits d’accès au Sniiram sont limités. Les agences régionales de santé (ARS) et la plupart des organismes publics pourraient aussi mieux utiliser ces données. Une exception : l’Institut de veille sanitaire (INVS).

En conclusion, la Cour des comptes note que « les acteurs de la santé publique se sont épuisés à obtenir des droits d’accès plutôt qu’à mobiliser leur expertise pour traiter les données ». La loi Santé ne devrait pas changer la situation malgré la création d’un Système national de données de santé. « Si dans les textes, la gestion technique du système de données et la gouvernance stratégique sont bien distinguées », la Cour révèle une « ambiguïté fondamentale » qui fait peser un « risque d’échec sur le nouveau système : le maintien de la gouvernance des bases existantes, qui alimentent le SNDS, en particulier celle du Sniiram ».