Mise à jour du 30/06/2023 à 14:30 : Cellule interministérielle de crise

En début d'après-midi, Emmanuel Macron a pris la parole : « Cette situation de violences en direction des bâtiments publics et des commerces est inacceptable et injustifiable. La réponse a été réactive et adaptée. Une série de dispositions vont être mises en place dans les prochaines heures par la 1ère ministre. Des moyens supplémentaires vont être alloués au ministère de l'Intérieur. Le Garde des Sceaux va produire des circulaires concernant les majeurs et mineurs interpellés qui seront déférés dans les prochaines heures. Ces violences sont le résultat de groupes parfois organisés et équipés qui seront judiciarisés mais aussi beaucoup de jeunes, de très jeunes. J'appelle tous les parents à la responsabilité pour garder leurs enfants à domicile. L'Etat n'a pas vocation à se substituer aux familles. Les plateformes et réseaux sociaux jouent également un rôle important. Snapchat, TikTok et d'autres ont permis l'organisation de ses rassemblements et provoquent un mimétisme impliquant une sortie du réel chez certains jeunes qui croient vivre comme dans des jeux vidéos. Nous serons dans les prochaines heures en lien avec ces plateformes pour qu'elles retirent les contenus les plus sensibles et obtenir l'identité de celles et ceux qui utilisent les réseaux sociaux pour appeler au désordre et organiser ces violences ».

Assister impuissant à la mise à sac de son magasin

Dans la nuit de mercredi à jeudi, Pierre Gérini s’attendait aux pillages qui menacaient les commerces, suite au décès du jeune Nahel. Son Krys implanté à Argenteuil, à 30 minutes de Nanterre, est un magasin d’angle d’une rue principale, sa visibilité et sa taille (360m2, 14 salariés) en faisait une cible de choix. Et ça n’a pas raté : ce soir-là, Pierre reste sur place, avec son fils, et assiste impuissant au saccage de son magasin.

 

argenteuil_emeute.jpg« Vers 23h30, des dizaines d’individus ont débarqué, ils ont très vite brisé les vitres anti-effractions. Ils étaient équipés de scies, de barres à mine, de larges compas pour couper le verre. Les habitants ont cherché à calmer le jeu en s’adressant directement aux vandales, mais c’était impossible de les raisonner. Ils ont vidé les présentoirs, détruits 3 ordinateurs, des écrans et 6 chaises en les jetant dans les feux qu’ils avaient allumés sur la voie publique. Je craignais surtout qu’un incendie se déclenche. J’ai croisé le regard d’un homme d’une trentaine d’année, un cocktail molotov à la main. Il y avait des adultes qui passaient des coups de téléphone et semblaient diriger les opérations. Vers 1h30 du matin, la police d’intervention est arrivée, lourdement équipée, ce qui a fait fuir les pillards. On a constaté la perte de 1111 montures pour une valeur approximative de 45 000 euros. Nous avons tout remis en ordre jusqu’au matin, et nous avons ouvert à 10h, comme d’habitude... ».

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Pierre Gérini et son fils

Bandes organisées

Pierre prend alors des mesures d’urgence : installation de panneaux de protection en bois pour remplacer temporairement les vitrines, présence d’un vigile afin d’alerter la police et le propriétaire en cas de récidive. Enfin, les montures sont retirées des présentoirs chaque soir et remises à leur place chaque matin, de façon à décourager un nouveau pillage. « Pendant la journée, il semble que des individus font des repérages dans le quartier. Nous restons prudents, parce que ça ne va pas s’arrêter là. D’autres magasins risquent d’être ciblés, aucun confrère ne devrait penser être à l’abri : ce sont des bandes organisées qui s’adaptent aux positions des forces de l’ordre et agissent là où ne les attend pas ».

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Le magasin est barricadé, comme à l'époque des gilets jaunes

 

Nuit agitée à Amiens

Cédric, qui possède plusieurs magasins à Amiens, a lui aussi fait les frais des émeutes. Dans la nuit de mercredi à jeudi, 8 personnes se sont introduites dans son magasin.

« Vers 2h30 du matin, je suis réveillé par l’alarme du magasin, reliée à mon téléphone. Comme j’ai un retour caméra, je comprends tout de suite qu’il y a une intrusion car l’injecteur de fumée s’est déclenché. En remontant les images de la caméra de surveillance, je constate la présence de 8 individus. Lorsque l’injecteur de fumée s’est déclenché, 4 d’entre eux sont ressortis immédiatement. Les 4 autres ont eu le temps de prendre quelques solaires au hasard, des secondes paires, des solaires enfants… Ils ont vraiment pris n’importe quoi. Puis, visiblement perturbés par la sirène de l’alarme et la fumée, ils se sont enfuis ».

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Dans ce magasin d'Amiens, l'effraction a été stoppée par le système de sécurité

 

Cédric se met alors en route vers le magasin et appelle la police, qui lui demande de retourner chez lui car elle ne peut pas intervenir pour le moment car ils sont déjà mobilisés sur d’autres théâtres d’intervention. Arrivé sur place, Cédric croise les pompiers qui ont forcé la vitrine pensant à un début d’incendie, à cause de la fumée du dispositif. Ne pouvant rien faire de plus en pleine nuit, Cédric barricade son magasin comme il peut et remet l’alarme, avant de rentrer chez lui.

Mis en déroute par le système de sécurité

Le magasin de Cédric est équipé de vitres ultra-sécurisées d’une épaisseur de 3-4 cm (double vitrage feuilleté), d’une alarme, d’une caméra et d’un injecteur de fumée qui, lorsqu’il se déclenche, relâche une fumée inodore et inoffensive, mais très épaisse et supprimant le champ visuel.

« C’est une fumée lourde qui stagne, en 20 secondes on ne voit plus ses mains. Sans les yeux, on perd déjà 80% de ses capacités sensorielles. Avec le bruit de l’alarme, ils n’avaient pas d’autres choix que de sortir car s’ils restaient sur les lieux, ils risquaient de se retrouver coincés », explique Cédric, qui estime que son système d’alarme a sauvé son magasin. « Au-delà des vols, c’est ce qui les a empêchés de mettre le feu pour effacer les traces, comme ils ont pu faire dans d’autres commerces d’Amiens ». Aujourd’hui, l’opticien espère que cette intrusion contrecarrée envoie un message à ceux qui seraient tentés de s’introduire dans son magasin. « Ils savent désormais que l’effort est supérieur au gain : ils ont mis 40 minutes à forcer les vitrines, pour rester 40 secondes à l’intérieur ». Bien que 8 vitrines sur 16 du magasin soient à remplacer, l’espace de travail et le matériel ont été préservés. Cédric a aménagé les horaires du magasin pour avoir le temps de vider les stocks chaque jour afin qu’il ne reste rien dans le magasin à la fermeture. Une opération qu’il réitèrera aussi longtemps que nécessaire.

 

La situation devrait empirer ce week-end

En région parisienne comme à Stains, Lille, Amiens, Nantes, Besançon… Pour le moment, impossible de tenir le compte exact des magasins d'optique vandalisés mais les violences de ces deux dernières nuits ont ciblé des dizaines de magasins d’optique dans toute la France. À Marseille, la situation était particulièrement tendue en centre-ville où le GIGN est intervenu et des individus équipés d’armes à feu auraient été constatés. Plusieurs préfectures ont d’ores et déjà annoncé qu’il fallait s’attendre à une dégradation de la situation dans les prochains jours. Une cellule interministérielle de crise a eu lieu en début d'après-midi (voir mise à jour en haut de l'article). L'état d'urgence est pour le moment exclu.

 

Conseils d'urgence

- Faire installer un système d'alarme (peut être réalisé très rapidement)

- Retirer chaque soir les montures les plus précieuses

- Ne pas intervenir mais contacter les forces de police ou de gendarmerie

- Se tenir informé de l'évolution de la situation dans votre département

 

Acuite est à vos côtés pour vous soutenir. N'hésitez pas à nous faire remonter vos témoignages et vos observations.

 

La Fédération nationale des opticiens de France et le Rassemblement des opticiens de France vous soutiennent également et sont à votre disposition pour toute question.