Hugues Verdier-Davioud, président de la Fédération nationale des opticiens de France (Fnof), a répondu à nos questions concernant les priorité du syndicat.

 

1. Convention collective

 

Quels changements en 2024 dans la convention collective pour les opticiens et collaborateurs non-diplômés de la branche ?

Hugues Verdier-Davioud

L’année 2024 sera une année cruciale pour la filière. Après un blocage du syndicat des enseignes (Rof) sur l’amélioration des salaires, ayant conduit à avoir 11 coefficients sous le niveau du Smic, nous parvenons enfin à nous mettre à niveau. Très clairement, nous n’étions plus audibles auprès des pouvoirs publics et ce, sur aucun sujet.

  • 1ère étape : depuis janvier 2024 , sur la base de la grille existante avec les coefficients actuels, les salariés bénéficient d’un premier ajustement.
  • 2ème étape : les entreprises ont jusqu’en juin 2024 pour adapter les contrats avec la mise en place des grilles classifications. Un guide est en cours de rédaction pour les aider.

Pour faire simple, il y a une grille non diplômée, et une grille « professionnel de santé ».

Le gérant devra suivre les préconisations de cohérence entre coefficients actuels et ceux recommandés dans les grilles classif que nous leur fournirons pour adapter les contrats.

La grille des professionnels de santé sera aussi mieux valorisée financièrement. Dans les entreprises, cela devrait inciter les salariés non diplômés à passer le diplôme. C’est un souhait et un projet de longue date de la Fnof. Nous sommes heureux d’avoir pu convaincre la filière d’aller dans ce sens de la valorisation du professionnel de santé.

Dans le même temps, vous comprenez pourquoi j’ai à cœur de promouvoir la VAE. Parce qu’il ne suffit pas de dire aux salariés et aux gérants : « va passer le diplôme ! », il faut aussi les accompagner en balisant mieux le chemin et en travaillant sur une amélioration de la prise en charge financière. Nous avons commencé par cela nous avons trouvé un accord pour améliorer les prises en charges. C’est le sens même de cette démarche instillée par la CPNEFP-OL que la Fnof préside. La VAE est un sujet que je connais bien, puisque, précisément, j’en suis issu. J’en connais bien les méandres et je suis conscient du travail à faire. Si j’ai un regret, comme pour la démarche « branché opticien », c’est le manque d’implication de mes confrères dans la démarche. Dans les groupes de travail, à 95%, la Fnof a été seule jusqu’à ce que les médias en parlent...

 

2. Attractivité du métier et VAE

 

Acuite : Comment améliorer l’attractivité du métier dès cette année ?

Le constat est frappant : la filière ne recrute plus d’étudiants, nous les perdons en cours d’étude et enfin nous perdons nos salariés sans parvenir à les remplacer. La première étape est donc de recruter.

Premier écueil, le BTS-OL est l’un sinon le plus difficile à obtenir du fait de son haut niveau scientifique, notamment en math et physique, mais une directive d’Etat alimente le BTS essentiellement par des bacs pro. Les solutions utilisées par les écoles pour des mises à niveau ont montré leur limite. Si nous voulons bénéficier d’étudiants qui sont issus de la filière générale scientifique, il faut viser l’université.

La filière aura perdu beaucoup de temps pour finalement suivre la voie de la Fnof qui portait le projet de l’universitarisation, mais il semble désormais acquis que tout le monde aille dans le même sens. 

À défaut d’attendre la réforme du diplôme d’exercice, que faire ?

1°) Sur les salons des étudiants, la branche n’était pas représentée. Mais nous avons maintenant avons un beau stand dont vous avez pu avoir un aperçu au dernier Silmo. À nous de nous investir sur les stands pour les faire vivre et aller recruter les bons profils. J’attends des opticiens qu’ils donnent un peu de leur temps. Il faut que les volontaires s’inscrivent à contact@brancheopticien.fr

2°) Mais ça ne sera pas suffisant si nous perdons les étudiants en cours de route. Je pense particulièrement aux alternants. Beaucoup se trouvent dans des structures qui les abandonnent et ne s’occupent pas d’eux. Quand on recrute pour une profession de santé, l’étudiant s’attend à faire de la santé.... pas du démarchage téléphonique pour récupérer des tiers-payants. Conclusion : beaucoup abandonnent. Je prévoie donc de faire le tour des écoles pour que les élèves ne se laissent pas séduire par la facilité.

3°) Enfin, j’ai l’espoir de pouvoir recruter des professionnels de santé en reconversion. Ils ont tout pour nous. L’état d’esprit, une connaissance scientifique, un abord santé du travail et une détermination sans limite.

Pour la VAE, j’ai placé l’objectif temps à la fin du 1er trimestre, au plus tard fin avril. L’idée est que la partie administrative se déroule durant le 2ème trimestre pour des formations à commencer début septembre. 2 axes de travail sont en cours : le contenu pédagogique avec les écoles et les financements (pour ce dernier, des annonces vont pouvoir être faites parce que des décisions ont d’ores et déjà été prises par la branche).

 

3. Prestations santé

 

Acuite : Comment améliorer la reconnaissance des compétences des opticiens dans un contexte où les déserts médicaux s’étendent ?

 

C’est le grand défi de mon mandat. Il s’agit de 3 notions différentes.

  • Reconnaissance des compétences
  • Gestion des déserts médicaux
  • Valorisation des prestations.

1°) La notion de reconnaissance induit le patient, le praticien et les pouvoirs publics. Pour que notre expertise soit reconnue, encore faut-il que l’opticien la mette en avant. Or, je constate que plus le temps passe, plus on tend à les cacher, les oublier, voire même les renier.

Reconnaissance par le médecin : La pratique de la MESU révèle la compétence et le professionnalisme de l’opticien. La Fnof l’a faite inscrire dans le cadre de la convention Cnam. Elle permet en cas de souci d’échanger qualitativement avec le prescripteur. Cela participe à la reconnaissance de notre capacité à faire une bonne réfraction ou détecter un problème.

Reconnaissance par le patient : Quand on laisse les réseaux choisir le verre à notre place, comment le patient peut reconnaître notre expertise en matière de recommandation des verres ? L’anamnèse participe à cette reconnaissance.

Reconnaissance par les pouvoirs publics : Quand on fait une réfraction mais qu’on ne la facture pas, même 10€, on cache visà-vis des pouvoirs publics nos compétences. Quand je vais au ministère pour demander la revalorisation de la prestation de 10€, le ministère me répond qu’on n’en fait pas ! La facturer, c’est une façon d’être reconnu par les pouvoirs publics.

2°) Pour ce qui concerne les déserts médicaux. Il faut pondérer. Il y a des déserts médicaux pour ce qui concerne l’accès à la prescription, mais pas pour la délivrance. Les opticiens sont les professionnels de santé visuelle de premier recours qui maillent le plus le territoire, en accès direct et libre, 6 jours sur 7 de 9h à parfois 22h ! Quelle profession de santé peut afficher une telle disponibilité ? Nous ne sommes pas trop nombreux, nous sommes sous-utilisés. A nous de nous battre pour être reconnus et utilisés à bon escient. Et aux pouvoirs publics d’avoir le courage de s’appuyer sur nous.

La téléconsultation est une chimère. C’est même la négation de l’opticien. Elle nie ses compétences à faire une réfraction. C’est inacceptable et à terme, c’est la disparition programmée de l’opticien si l’on ne fait pas attention.

La téléexpertise met en avant la compétence de l’opticien, parce que c’est lui qui fait la réfraction. Je ne suis pas contre, mais mon rôle en tant que syndicat représentatif est de protéger l’exercice de l’opticien et le parcours de soin du patient. Clairement, aujourd’hui tout ce qui est proposé fait peser de très grosse responsabilité sur l’opticien et ne relève que de l’opportunisme commercial. Il y a mieux à faire, et je m’y emploie en discutant avec les pouvoirs publics et les autres acteurs de la filière visuelle. Patience, mais la loi est la loi.

3°) Quant à la prestation, on est au pied du mur. Cela fait des années que la Fédération dit et écrit que l’opticien ne pourra vivre éternellement sur la seule marge dégagée par la vente d’un équipement. J’ai déjà évoqué le phénomène économique de l’effet ciseau. Si on ne va pas chercher de l’oxygène ailleurs par les prestations, on risque de beaucoup souffrir entre l’Etat et les complémentaires.

La prestation est la valorisation de notre savoir-faire, de notre expertise. Ça commence avec l’examen de vue, l’atelier et les réparations, la remise en situation d’usage, et puis nous pourrons à terme élargir nos prestations en dehors des magasins. Nous avons tellement ancré dans l’esprit des gens que tout était gratuit qu’il est devenu difficile de valoriser nos capacités. Pourtant, qui le ferait sinon nous ? Cessons d’être complexés. Soyons fiers de procurer du confort visuel aux gens, de réhabiliter le sens le plus important pour la vie quotidienne de chacun.