La thérapie optogénétique, qui consiste à modifier génétiquement les cellules afin qu’elles produisent des protéines sensibles à la lumière dites « channelrhodopsines », peut partiellement restaurer la vision chez un patient aveugle atteint de rétinopathie pigmentaire à un stade avancé. Il s’agit d’une avancée majeure dans le développement des thérapies géniques indépendantes des mutations pour traiter les dégénérescences rétiniennes.

Cette conclusion est parue lundi 24 mai dans Nature Medicine, suite à une étude menée par une équipe de recherche internationale dirigée par les professeurs José-Alain Sahel et Botond Roska, et associant l’Institut de la Vision, l’hôpital d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, l’université de Pittsburgh, l’Institut d’ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle ainsi que les sociétés Streetlab et GenSight Biologics.

Chronologies du recouvrement partiel de la vue

Le patient sur lequel ont été conduits les tests souffrait de rétinopathie pigmentaire à un stade très avancé : il ne pouvait percevoir que la présence de lumière, rien de plus.

Il a dans un premier temps reçu une injection de ChrimsonR, un gène codant pour une channelrhodopsine permettant de détecter la lumière ambrée, qui est plus sûre pour les cellules rétiniennes que la lumière bleue utilisée pour d’autres types de recherche optogénétique.

Il a aussi été équipé de lunettes avec caméras qui produisent des images visuelles projetées en images de couleur ambre sur la rétine. Des tests avec les lunettes ont pu démarrer au bout de 5 mois, temps laissé pour que son expression se stabilise dans les cellules ganglionnaires.

Sept mois plus tard, les premiers signes d’amélioration visuelle ont été perçus : les résultats des tests ont montré qu’avec l’aide des lunettes, le patient pouvait désormais localiser, compter et toucher des objets.

Les tests effectués

Trois tests ont été effectués :

Le premier consistait pour le patient à percevoir, localiser et toucher un grand cahier ou une petite boîte d’agrafes. Il est parvenu à toucher le cahier 92% du temps (36 fois sur 39), mais ne s’est saisi de la boîte d’agrafes que dans 36% des tests.

Le second était similaire, mais il lui fallait compter des gobelets sur une table. Le patient a réussi 63% du temps.

Pour le troisième, un gobelet était alternativement posé ou enlevé de la table et le patient devait indiquer, via un bouton, s’il était présent ou absent. L’activité cérébrale du patient était dans le même temps mesurée avec un casque d’électrodes d’électroencéphalographie (EEG).

Les données ont montré que les changements corrélés de l’activité au cours de ces tests étaient concentrés dans le cortex visuel. Et le décodeur installé pour interpréter les enregistrements a pu dire avec une précision de 78% si le gobelet était présent ou non dans un essai. « Cette dernière évaluation a permis de confirmer que l’activité cérébrale est bien liée à la présence d’un objet, et donc que la rétine n’est plus aveugle », explique le Pr Botond Roska, qui a participé à cette étude.

Le patient détecte le cahier (test 1)

Le patient détecte le cahier (test 1)

Une avancée majeure

L’optogénétique est une technique existante depuis une vingtaine d’années. Mais c’est la première fois que cette approche innovante est utilisée chez l’homme et que ses bénéfices cliniques sont démontrés. Cette recherche a pour but de traiter les maladies héréditaires des photorécepteurs, causes très répandues de cécité.

« Les personnes aveugles atteintes de différents types de maladies neurodégénératives des photorécepteurs et d’un nerf optique fonctionnel seront potentiellement éligibles pour le traitement, mais il faudra du temps avant que cette thérapie puisse être proposée. La société GenSight Biologics compte lancer prochainement un essai de phase 3 pour confirmer l’efficacité de cette approche thérapeutique », commente le Pr José-Alain Sahel, chef de service à l’hôpital des Quinze-Vingts.