Le Groupement des industriels et fabricants de l'optique (Gifo) a sollicité le cabinet de conseil Asterès pour évaluer les impacts économiques de la réforme RAC 0 (rebaptisée 100% santé) sur les acteurs de l’optique en France. Acuité vous détaille les principales conclusions de cette étude.
Réalisée par les économistes Pierre Bentata et Nicolas Bouzou pour le compte du Gifo, cette étude met en exergue « la complexité de mise en œuvre du projet RAC 0 ». La raison ? Il poursuit simultanément 3 objectifs « difficilement conciliables » :
- Couvrir totalement les dépenses de soins pour les plus démunis ;
- Attirer les personnes renonçant actuellement aux soins d’optique ;
- Réduire les dépenses de l’ensemble des personnes achetant des lunettes.
Sans augmentation des dépenses publiques ni des cotisations de la part des complémentaires santé pour le gouvernement.
La réforme ne bénéficierait qu’à une minorité de porteurs
Au bout du compte, l’introduction du panier RAC 0 évalué à près de 20% des achats actuels de lunettes (+ 5 à 10% de panier dissocié avec des verres du RAC 0 à une monture du marché libre) ne bénéficierait qu’à une minorité de Français ayant besoin de lunettes, soit plus 2,6 millions de personnes.
Seront concernés : ceux renonçant actuellement aux soins d’optique pour des raisons financières (918 966 personnes), les bénéficiaires de la CMU-C et ACS (1065 000), les acheteurs cannibalisés au RAC 0 qui bénéficieront d’une amélioration de leur condition de remboursement (260 747) et les nouveaux entrants CMU-C et ACS (393 985).
Mais, la réforme RAC 0 aura un effet négatif pour l’ensemble des acheteurs du panier B (marché hors RAC 0). Actuellement, l’AMO rembourse en moyenne 3,4% du prix des lunettes, soit 15 euros (hors bénéficiaires de la CMU-C). Après la réforme, elle ne rembourserait plus que 9 cents par paire. « Si les complémentaires ne comblent pas cette réduction des remboursements, cela représentera un reste à charge supplémentaire de 174 millions d’euros », détaille le Gifo.
En outre, la baisse du plafond de remboursement des montures à 100 euros entraînera une hausse du reste à charge pour les porteurs désireux d’acquérir des montures à un prix identique à leur achat actuel. Le reste à charge pourrait augmenter de 638 millions d’euros pour les 11,7 millions d’acheteurs annuels du panier B, soit une hausse de près de 43% du reste à charge, ou encore un reste à charge supplémentaire de 54 euros par personne.
Enfin, 1,9 million de personnes (5% de Français qui n’ont pas de complémentaires santé, ndlr), demeureront exclues de la réforme.
Une baisse de 2% à 10% du chiffre d’affaires (CA) des opticiens et des fabricants
Dans quelle mesure, la filière optique sera-t-elle impactée ? En abaissant le plafond de remboursement des montures à 100 euros tout en proposant des lunettes d’entrée de gamme moins chères et remboursées entièrement, la réforme conduirait à :
- Une baisse de la rentabilité de l’activité des magasins ;
- Une baisse du chiffre d’affaires des fabricants de montures et de verres ;
Sur ce point, le Gifo fait les projections suivantes :
- Si 75% des porteurs optent pour des montures inférieures à 100 euros, les opticiens verraient leur chiffre d’affaires baisser de 6,1%.
- Si 50% des porteurs choisissent des lunettes inférieures à 100 euros, les opticiens verraient leur chiffre d’affaires baisser de 4%.
- Si 25% des porteurs se tournent vers des montures inférieures à 100 euros, les opticiens verraient leur chiffre d’affaires baisser de 1,8%.
L’impact de la réforme sur les fabricants est également conséquent avec une baisse du CA estimée entre 4 et 9,1%, selon l’étude du Gifo.
D’une manière globale, pour l’ensemble des acteurs de l’optique (opticiens, fabricants de verres et de montures), l’impact financier de la réforme RAC 0 dépendra fondamentalement de la réaction des porteurs. Si la majorité d’entre eux est incitée à réduire ses dépenses d’optique, le coût de la réforme sera très élevé. Il pourrait atteindre un montant de plus de 186 millions d’euros. Parmi les conséquences, « la destruction de 2 700 emplois parmi les opticiens et les fabricants, soit une baisse de 6% de l’emploi de la filière. Près de 1 500 magasins ont aujourd'hui une marge inférieure à 5%, ce qui se traduirait par des pertes nettes pour ces magasins », s’insurge le Gifo. « Le marché des opticiens se concentrera, au détriment des magasins ayant le chiffre d’affaires le plus faible (...) particulièrement dans des zones où services publics et professionnels de santé se raréfient ».
D'après le Gifo, « plus la réforme aura du succès, plus la fabrication française risquera de disparaître. » A l’inverse, moins les acheteurs se tourneront vers des lunettes à bas prix, plus l’ensemble de la filière optique « restera qualitatif ».