Dans une décision prononcée le 13 octobre, la Cour européenne de justice a estimé que les fabricants ne peuvent pas interdire la vente de leurs produits par des e-commerçants sur Internet. Pour la justice européenne, une telle interdiction constitue une « restriction de concurrence » prohibée par la législation communautaire. Elle peut cependant être exceptionnellement tolérée, si elle est « objectivement justifiée ».

« Préserver l'image de prestige n'est pas un objectif légitime »

Cet arrêt a été rendu dans le cadre d'une affaire opposant le groupe de cosmétiques Pierre Fabre à l'Autorité de la concurrence. La société (marques Avène, Klorane, Galénic et Ducray) refuse en effet que ses produits soient vendus sur Internet, assurant que « seul la présence physique d'un pharmacien diplômé garantit au consommateur la qualité d'un conseil pharmaceutique personnalisé répondant à ses attentes d'efficacité et de sécurité ». L'Autorité de la concurrence a demandé à Pierre Fabre de lever cette interdiction, selon elle contraire aux règles européennes. Le groupe de cosmétiques a alors saisi, en octobre 2008, la Cour d'appel de Paris, qui a souhaité connaître l'avis de la Cour européenne de justice. Celle-ci s'est prononcée jeudi 13 octobre : l'objectif, pour Pierre Fabre, « de préserver l'image de prestige ne saurait constituer un objectif légitime pour restreindre la concurrence », a-t-elle souligné. Le juge estime cependant que des « exemptions individuelles » peuvent être accordées si elles sont « objectivement justifiées ». Ce sera désormais à la Cour d'appel de Paris de décider, dans le courant du premier semestre 2012, si Pierre Fabre peut bénéficier de ces dérogations. Le laboratoire l'espère en tout cas, rappelant que « les produits dermo-cosmétiques sont d'abord des produits de santé ».

Une jurisprudence applicable à notre secteur

Cette jurisprudence est susceptible, en cas de litiges, de s'appliquer à notre secteur. Ainsi, en vertu de la législation européenne, les fabricants de lentilles, de montures et de verres ne pourront pas interdire aux opticiens de vendre leurs produits sur Internet, si ces distributeurs respectent bien sûr leurs obligations. En effet, la vente de produits optiques sur Internet par des opticiens est admise en France, et le projet de loi Lefebvre (en cours d'examen au Sénat) l'autorise expressément en l'encadrant. Les industriels risquent donc de ne pas pouvoir « justifier » d'éventuelles interdictions de vente de leurs produits en ligne par les « e-opticiens » qui devront respecter ce nouveau cadre légal dès sa mise en oeuvre (courant 2012).

Voir aussi : Débat TV : Vente sur Internet : la législation actuelle, future et les forces en présence (04/10/2011)